Début mars 1917, fin février dans le calendrier russe, la situation à l’intérieur de l’empire russe se dégrade en raison des pénuries alimentaires tandis que sur le front, les armées russes pansent leurs plaies après les offensives meutrières de 1916. La conjugaison de ces deux facteurs avec l’incapacité du Tsar a entendre la légitime colère de son peuple va précipiter la chute de la dysnatie Romanov.

Comme souvent dans les processus révolutionnaires, la révolution a commencé à cause d’une pénurie alimentaire, en l’occurence le pain. Depuis de longues semaines, les rues de Petrograd (Saint-Petersbourg) étaient le théâtre d’interminables files d’attente quotidiennes devant les boulangeries. Mais le pain n’est pas la seule denrée alimentaire qui manque, même les restaurants à la mode de la capitale impériale ne sont plus approvisionnés en sugre. De plus, ce troisième hiver de la guerre est particulièrement froid et les températures polaires (-25°C en moyenne) finissent par paralyser les usines et l’approvisionnement de la ville en farine et en fuel.

Ouvriers et soldats manifestent ensemble sur la Perspective Nevski à Petrograd.

Dans ce contexte dramatique, les travailleurs, en chômage technique, se massent dans les rues de la ville pour protester contre les pénuries. Le 3 mars (18 février selon le calendrier russe), les ouvriers de l’usine Poutilov, le principal complexe industriel de Petrograd, se mettent en grève pour plusieurs jours. Le 5 mars, les premiers incidents ont lieu suite à l’annonce du rationnement du pain.

Autre cliché des manifestants sur la Perspective Nevski.

Le 8 mars (23 février), à l’occasion de la journée internationale des femmes, ils sont rejoints par des milliers de femmes qui manifestent pour l’égalité des droits ; parmi elles des paysannes, mais aussi des étudiantes et quelques dames du monde. Dans l’après-midi, les ouvrières du textile se joignent à la manifestation. Les slogans sont simples : « Du pain ! » et « A bas le Tsar ! ». La confrontation avec la police devient inévitable lorsque les manifestants tentent de franchir le pont Liteiny qui relie le quartier de Vyborg avec le centre ville. Certains manifestants traversent sur la glace et se rassemblent autour du siège de la Douma. Les Cosaques, réservistes inexpérimentés déployés pour disperser la manifestation, refusent d’obéir aux ordres de charger la foule. Cette victoire symbolique donnera du courage aux manifestants pour poursuivre leur action dès le lendemain. La révolution est en marche…

SYLVAIN FERREIRA