Après les grandes manifestations ouvrières dans Petrograd et l’absence de réaction des Cosaques, la grève s’amplifie et devient générale à partir du 10 mars (25 février) 1917. Les confrontations avec la police font plusieurs morts et plusieurs blessés. Le 10 mars au soir, depuis son quartier-général installé à Mogilev le Tsar décide de réprimer la contestation populaire.Le message envoyé par Nicolas au général Khabalov qui dirige le district militaire de Petrograd est clair, il doit « mettre fin au désordre d’ici le lendemain » en utilisant l’armée. En envoyant un tel ordre, il apparaît que le Tsar n’a pas conscience de l’ampleur du mouvement mal renseigné qu’il est par la police et par Khabalov lui-même qui minorent la gravité de la situation depuis le 8 mars dans leurs rapports. Dès le lendemain, le dimanche 11 mars, la ville est en état de siège et l’armée et la police occupent les axes principaux et les bâtiments stratégiques. La Perspective Nevski est prise en enfilade par des mitrailleuses. La matinée se déroule sans incident, la population profitant du repos dominical. Mais dans l’après-midi, alors la foule de plus en plus nombreuse commence à se masser sur la Perspective Nevski, les premiers coups de feu sont tirés sur les civils désarmés par les hommes des régiments Semenovski et Pavlovski. On déplore une dizaine de tués et de blessés dans la foule. Mais le pire accrochage se déroule sur la place Znamenskaya où plus de cinquante personnes sont tués par un détachement du régiment Volynski. Parmi les victimes, deux soldats du régiment qui avaient rejoint les manifestants.

Scène de combat de rue dans Petrograd.

Dans le même temps, des manifestants parviennent au casernement du régiment Pavlovski pour témoigner du massacre en cours. Secoués par la nouvelle, une centaine d’hommes de la 4e compagnie du régiment décident de marcher sur la Perspective Nevski en criant « Ils tirent sur nos mères et sur nos soeurs ! » C’est le premier ralliement d’une troupe consistée à la cause des manifestants. Mais une fois sur place ils sont désarmés et mis aux arrêts. Ce seront les derniers prisonniers du régime tsariste. Mais le mal est fait, les jeunes recrues du régiment Volynski décident tacitement de ne plus obéir aux ordres de leurs officiers et refusent dès le lendemain de tirer sur la foule. Ils sont rejoints par des hommes du régiment Preobrajenski, du régiment lituanien et des sapeurs du 6e bataillon du génie. Le 11 mars est marqué par les premiers affrontements entre soldats mutins et loyalistes dans les rues de la capitale. On compte encore plus de 150 morts dans la foule. Le Tsar proclame officiellement l’état de siège et renvoie la Douma. De révolte populaire contre la faim et le chômage, le mouvement bascule dans la révolution et, le 12 mars au matin, les fraternisations entre ouvriers et soldats se multiplient. L’arsenal est pris d’assaut et des fusils sont distribués aux civils. Au soir, 150 000 hommes de l’armée impériale ont rejoint la cause des manifestants.

SYLVAIN FERREIRA