Le 12 octobre 1915, l’infirmière anglaise Edith Cavell était fusillée à Bruxelles par les Allemands pour haute trahison. Voici un article qui nous explique qui elle était.

Aînée d’une fratrie de quatre enfants, Edith Cavell est née le 4 décembre 1865 à Swardeston, un petit village du Norfolk, en Angleterre. Elle ne fréquente pas l’école locale mais fait ses études dans le presbytère du village où son père est pasteur anglican.
En 1881, elle part à l’école secondaire de Norwich, ville administrative du comté, qui est assez proche, puis dans trois internats à Londres, Bristol et Peterborough. C’est dans l’établissement de cette dernière ville qu’Edith démontre certaines dispositions pour le français.
En 1884, elle obtient son diplôme d’institutrice et occupe un poste de gouvernante dans deux familles différentes. Toujours avenante et souriante, elle s’occupe fort bien des enfants dont elle a la responsabilité.
De retour d’un voyage en Europe. Elle revient très impressionnée à la suite de la visite d’un hôpital gratuit en Bavière, et porte un autre regard sur les soins infirmiers.
De 1890 à 1895, suite à la recommandation de son ancien professeur, Edith accepte un poste de gouvernante en Belgique, dans une famille aisée de Bruxelles. En 1895, son père tombe gravement malade et elle retourne en Angleterre pour le soigner. Elle décide alors de se consacrer aux soins infirmiers et rentre au Royal London Hospital en tant qu’aide infirmière.
Elle pratique sa formation d’infirmière jusqu’à l’obtention de son diplôme, puis travaille dans divers établissements hospitaliers.
En 1907 le docteur Antoine DEPAGE de Bruxelles très impressionné par la qualité de la formation des infirmières anglaises, il décide d’ouvrir «l’Ecole belge d’infirmières diplômées» destinée à «former des infirmières de la meilleure qualité». Il demande à Edith d’en assurer l’organisation et la direction et la nomme infirmière en chef à l’Institut Berkendael à Ixelles. Une école d’infirmières sera créée le 10 octobre 1907 dans cette même ville et la direction générale sera confiée à Edith CAVELL.

Carte postale de propagande représentant Edith Cavell dans son rôle d’infirmière au chevet d’un malade.

Celle-ci accepte ces fonctions et établit des normes très strictes, insistant sur la ponctualité et la propreté. Elle organisera et animera des conférences et des cessions de formations en sus de ses charges administratives.

Antoine Depage et Edith Cavell entourés des infirmières issues des premières promotions de l’Ecole d’Infirmières diplômées en 1910.

Edith CAVELL et le premier conflit mondial
Le 28 juin 1914, l’archiduc François Ferdinand est assassiné à Sarajevo. La première guerre mondiale éclate, la Croix Rouge de Belgique prendra en main, l’école et l’institut. Antoine DEPAGE était à cette époque président de la Croix Rouge Belge.
Apprenant ces événements Edith CAVELL revient à Bruxelles. Le 3 août 1914 en compagnie de Miss WILKINS et de ses élèves elle soigne les blessés des armées alliées et allemandes.

En dépit des risques encourus, elles cachent et hébergent des soldats alliés dans l’école d’infirmières, avant d’être pris en charge par une filière d’évasion. En tant que membre de la Croix-Rouge, Edith CAVELL doit se tenir en dehors de cette organisation clandestine, mais elle considère que s’occuper des hommes traqués est un acte humanitaire.
Début 1915, l’épouse du docteur DEPAGE, Marie, aide Edith dans ses tâches quotidiennes. Elle décide de partir faire une tournée aux Etats-Unis afin de collecter des fonds pour leur hôpital. Au bout de deux mois, elle a récolté plus de 100.000 $, mais apprenant que son fils a rejoint son frère aîné sur le front, elle décide de rentrer en Belgique.
Elle embarque sur le RMS Lusitania qui assure la liaison New York – Liverpool. Le paquebot transatlantique est torpillé le 7 mai 1915 par le sous-marin allemand U.20 au large des côtes irlandaises. Marie DEPAGE y perd la vie.

L’action d’Edith CAVELL
Edith CAVELL dans son action humanitaire est également un agent de l’Intelligence Service, les services secrets britanniques. Les archives permettent de mettre en évidence que dès les premières heures du conflit en Belgique Edith CAVELL et ses collaborateurs vont aider les évasions des prisonniers par les Pays Bas, pays neutre.
Le réseau créé : par des belges de la région de Mons, des français de la région de Lille et de Valenciennes, ce, en dépit de la loi militaire imposée par l’occupant, va fonctionner très activement.
Un de ses membres Herman CAPIAU, jeune ingénieur des mines belges, avait amené les premiers soldats britanniques à Edith CAVELL ; Herman était un membre important du réseau, il a écrit : « Chaque fois qu’il était possible d’envoyer des renseignements intéressants sur les opérations militaires, cette information a été transmise au service de renseignement anglais ponctuellement et rapidement. Les informations concernaient les réseaux de tranchées allemandes, l’emplacement des dépôts de munitions, les vols des avions. Tous ces détails étaient transcrits à l’encre sur des bandes de tissus cousues dans les vêtements ou cachés dans les chaussures ou les bottes. »
Le mot de passe du réseau était « Yorc » anagramme de « Croÿ » le nom de la princesse Marie de Croÿ membre du réseau.
A cette même époque, la police secrète allemande commence à resserrer son étau sur les opérations d’évasion.

L’arrestation et le procès
En juin 1915, deux hommes se présentent à l’institut comme soldats français évadés et en fuite, l’un est Georges QUIEN, l’autre un agent allemand infiltré qui se prétend aviateur, ces personnages permettront les arrestations des membres du réseau. Les interpellations débutent le 31 juillet par Philippe BAUCQ et Louise THULIEZ, puis le 5 août Edith CAVELL et la comtesse Jeanne de BELLEVILLE, et Marie Louise de CROY, Louise de BETTIGNIES sera arrêtée le 20 octobre 1915.
Les services spéciaux allemands ont eu connaissance de renseignements et informations au plus haut niveau, car pendant plusieurs mois, de décembre1914 à juin 1915, il n’y aura aucune alerte. Puis soudainement, en trois mois, une partie importante du réseau britannique sera démantelée.
Edith CAVELL passe aux aveux après un interrogatoire de 72 heures, lors de celui-ci on lui a fait croire que les services allemands étaient au courant de tout et que ses aveux permettraient de sauver ses amis. Forte de son éducation et de ses principes de loyauté refusant tout mensonge, elle dit la vérité pensant agir pour le bien de tous.
Tous les inculpés sont emprisonnés à la prison Saint-Gilles. Le simulacre de procès a lieu les 7 et 8 octobre 1915.
Edith CAVELL admet les faits qui lui sont reprochés et ses aveux. Six des accusés sont condamnés à mort le 11 octobre 1915 à 17 heures. Les autres prisonniers se voient infligés des peines de travaux forcés ou de prison.
Ces condamnations vont entrainer des réactions et des protestations internationales menées en particulier par Brand WHITLOCK et le marquis de VILLALOBAR. Sir Arthur CONAN DOYLE écrira après l’exécution « Tout le monde doit se sentir dégoûté par les actions barbares de la soldatesque allemande dans le meurtre de ce spécimen grand et glorieux de la féminité ».
Sous la pression étrangère, les juges le lieutenant-colonel WERTHMANN, le conseiller du conseil de guerre STOEBER et l’assesseur du conseil de guerre DUWE, et le général Von SAUBERZWEIG gouverneur militaire de Bruxelles restent inflexibles.
Le 12 octobre 1915, à 2 heures du matin, tirés de leurs cellules, Edith CAVELL et Philippe BAUCQ sont amenés au Tir National à Schaerbeek.
Les peines sont lues à haute voix. Le pasteur LE SEUR, aumônier allemand, accompagne les deux prisonniers de ses prières jusqu’au poste d’exécution. On les place chacun devant un peloton d’exécution de huit hommes. Edith CAVELL refuse qu’on lui bande les yeux et d’avoir les mains liées, elle fait face au peloton d’exécution.

L’officier présent donne le coup de grâce après le tir. Edith est enterrée à la hâte dans le petit cimetière attenant appelé « enclos des fusillés », sa tombe ne comporte qu’une simple croix de bois.

Les suites de l’ « assassinat ».
Le général Von Sauberzweig a estimé qu’en précipitant l’exécution d’Edith CAVELL, l’affaire serait vite oublié. Ce fut une erreur de sa part, car c’est l’inverse qui se produisit. L’histoire est largement diffusée et la presse s’en empare. Les gros titres des journaux parlent « d’assassinat et de crime abominable ».
Cette exécution est utilisée pour la propagande des Alliés, faisant d’Edith CAVELL une martyre et des Allemands des monstres meurtriers. La révélation selon laquelle Edith CAVELL était membre d’un réseau des services secrets ne sera dévoilée que bien plus tard.
Son exécution provoque une vague d’indignation générale dans le monde contre l’Allemagne.
En peu de temps, Edith Cavell va devenir une héroïne nationale.
Le roi des belges Albert I' » attribue la Croix de l’Ordre de Léopold à titre posthume, le gouvernement belge la Croix civique et la France, la Légion d’honneur.

Visite du roi et la reine d’Angleterre au mémorial d’Edith Cavell

En mars 1919, son corps est relevé pour être rapatrié en Angleterre. La cérémonie organisée l’Abbaye de Westminster le 15 mai reçoit un hommage impressionnant devant la Famille Royale.
Dans le monde entier, de nombreuses marques rappellent la mémoire d’Edith Cavell (rues, écoles, monuments, plaques commémoratives ….).
De nombreux mémoriaux ont été érigés en Belgique, en Angleterre, en France, au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Inde, en Argentine ….

Arrivée de la dépouille d’Edith Cavell à la cathédrale de Norwich

Le cercueil est ensuite transporté par convoi ferroviaire jusqu’à la ville de Norwich où elle repose dans la cathédrale de cette ville.

Je remercie Jacques PRUDHOMME et Alain HECQUET pour les informations et documents concernant Edith CAVELL.

Michel DELMOTTE – SAM2G