En plus de l’innovation en terme d’équipement (lance-flammes, canons d’infanterie, mitrailleuses) mis à disposition du Sturmabteilung Rohr, le détachement va développer de nouvelles techniques de combat d’infanterie décentralisé et placer le groupe de combat et les sous-officiers au coeur de sa doctrine d’emploi.

Le concept initial développé par le capitaine Rohr consiste principalement à remplacer l’avance en formation linéaire de tirailleurs par l’attaque surprise d’unités d’assaut (Sturmtrupps ou Stosstrupps) de taille réduite (groupes de combat) soutenues par un appui-feu important (mortiers/canons d’infanterie/lance-flammes/mitrailleuses). Ces soutiens doivent être gérés et coordonnés au niveau du détachement pour jouer pleinement leur rôle respectif. Les fantassins sont principalement équipés de grenades à main pour nettoyer les tranchées et guidés par leurs sous-officiers.

Pioniers lanceflammes

Soldats du génie, spécialistes de lance-flammes, issus du régiment de réserve du génie de la Garde et rattachés au Sturmabteilung Rohr.

Après deux mois de formation, début octobre 1915, les deux premières compagnies d’infanterie du Sturmabteilung sont jugées opérationnelles et prêtes à participer aux combats. La 2./St.Abt. Rohr est ainsi rattachée à l’Infanterie Regiment 187 dans le secteur des Trois-Epis dans les Vosges pour monter une opération, baptisée Schratzmännele (nom du massif), afin de tester ses nouvelles méthodes de combat. L’assaut, auxquels participeront six lance-flammes lourds, est soigneusement préparé en utilisant notamment une reproduction grandeur nature du terrain en retrait de la ligne de front. Chaque phase de l’attaque est minutieusement répétée.

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Tranchée française en contrebas du Schratzmännele.

Le 12 octobre, à 17h15, les troupes d’assaut réparties en six groupes de combat (Sturmgruppen) et accompagnées des lance-flammes prennent position dans des sapes amménagées à proximité des lignes françaises. A 17h29, de terrifiants jets de liquide enflammé sont projetés sur les défenseurs. Une minute plus tard, les fantassins allemands s’élancent hors des sapes et pénètrent dans le dispositif ennemi. Immédiatement, les mitrailleuses et l’artillerie françaises ouvrent le feu en prenant les troupes d’assaut de flanc. Mais les Minenwerfer du Sturmabteilung et l’artillerie allemande répliquent et réduisent au silence les soutiens français. Des fantassins de l’I.R. 187 chargés d’outils et de sacs de sable pénètrent à leur tour dans la position française pour l’aménager et bloquer les voies d’accès. Le parapet est également “retourné”, et en moins d’une demi-heure, la position conquise est reliée par un boyau de communication à la ligne de départ allemande. A 20h30, une contre-attaque française est repoussée et à 21h, les troupes d’assaut sont relevées par la 5./I.R. 187 et des sapeurs de la compagnie 250 du génie. Le Sturmabteilung ne déplore que la perte de 4 hommes, dont l’Unteroffizier (caporal) Friedrich Pöhler (en couverture) et 11 blessés.

Le succès de cette opération fera date et dès le mois de décembre, Rohr et son unité seront sollicités pour former des cadres de la 12. Landwehr Division. Il faudra attendra mi-mars 1916, après le passage du Sturmabteilung à Verdun pour que celui-ci devienne définitivement une sorte d’unité-école pour toute l’armée impériale.

(à suivre…)

SYLVAIN FERREIRA