Ecrit par Michel DELMOTTE

Le Major MEREDITH acteur d’une guerre peu ordinaire !

Le major MEREDITH vétéran du premier conflit mondial, officier dans le corps d’artillerie lourde Australien, va se trouver en charge d’un autre conflit peu banal, quelques années plus tard. Voici donc son parcours plus ou moins particulier dans une guerre étrange mais bien réelle qui se déroulera en Australie.

Le contexte particulier du conflit.

Nous sommes en 1932, l’Australie a comme beaucoup de nations à cette époque subit la conséquence du krach boursier de 1929.

Le gouvernement australien met en place une politique visant à inciter les vétérans de la première guerre mondiale à développer l’agriculture et les terres cultivées en blé afin de permettre des récoltes supérieures et d’accroître ainsi les revenus. Le gouvernement promet des aides financières et bon nombre de vétérans vont agrandir leurs cultures et constituer des réserves d’eau importantes afin de pouvoir irriguer les cultures lors de l’été austral.  Ce n’était pas sans compter que ces nouveaux espaces vont attiser et être convoités par un envahisseur imprévu.

Cet envahisseur effrayant, vilain et barbare, c’est l’émeu.

un émeu, source wikipédia

L’émeu est un volatile « qui ne vole pas, ses ailes sont inadaptées à cet exercice » mais qui a morphologiquement les caractéristiques suivantes : une taille de deux mètres environ, de petites ailes, un long cou, de grandes pattes à trois doigts. Cet oiseau est capable de courir longtemps à une vitesse de 7 kilomètres heure et avec des pointes à 50 kilomètres heure. Il a un gros appétit. La femelle pond les œufs couvés uniquement par le mâle qui ne quitte pas le nid pendant toute la couvaison. Pendant cette période, il vit sur ses réserves, ne vous inquiétez pas il se rattrape par la suite !

Cette mise au point étant faite, l’émeu vit sur les côtes Australiennes où il nidifie, et ensuite regagne l’intérieur des terres pour l’été austral, donc il migre chaque saison.

Il en résulte qu’un groupe avait l’habitude de migrer chaque année dans le district de Campion, (au Sud-Ouest de l’Australie) avec un trajet immuable dans un territoire devenu enchanteur de champs de blé et de réserves en eau. Nos « envahisseurs » décidèrent donc d’y établir domicile. En effet, le lieu était agréable, la nourriture abondante et excellente, un bienfait extraordinaire pour le gîte et le couvert.

Ce fût donc un groupe d’environ 20 000, individus qui pénétrèrent en force dans ce territoire, effrayant les villageois, mâchouillant à plaisir les épis, retournant la terre avec leurs énormes pattes ; En bref après leur passage les champs avaient un aspect de désolation.

Nos braves fermiers agacés par ces désordres, vitupèrent et souhaitent reprendre la situation en main.

Une action retentissante, la guerre est déclarée !

Ces victimes vont s’adresser au gouvernement Australien en demandant une action d’urgence. A cette époque le ministère de la défense australienne est sous l’autorité du Sénateur sir George PEARCE ancien combattant de 1914-1918. Sa réaction ne se fera pas attendre !

Sir George Pearce ©Wikipédia

« On ne va pas laisser une bande de volatiles impétueux détruire nos cultures aux détriments de nos administrés », pense t’il.

Fort de ces convictions, on créé une « Task force » qui sera commandée par un autre vétéran de 1914-1918 le major G.P.W.  MEREDITH du 7éme corps d’artillerie lourde d’Australie. Cette unité aura pour mission de repousser « manu militari » cette invasion aviaire et barbare.

On équipe l’unité de la fameuse mitrailleuse lourde « la Lewis gun » qui a fait preuve d’efficacité lors du conflit précédent. Sûrs de leur victoire, nos soldats australiens partent au combat avec allégresse et amusés « sus à l’invasion d’émeus »

la lewis gun

Notre Major s’en va-t’en guerre !

L’organisation de l’unité a été précisée par le ministre, l’utilisation des mitrailleuses et les munitions sont réservées aux militaires, les fermiers quant à eux assurent la logistique et le ravitaillement et payent les munitions utilisées. (Pas moins de 10 000 munitions)

C’est parti ! Le branle-bas de combat est lancé en octobre 1932. Notre Major joue de malchance, le combat est retardé du fait de fortes pluies. Malgré tout, le 2 novembre la pluie cesse, on aperçoit un groupe de cinquante émeus, mais après les premiers tirs il faut se rendre compte que l’ennemi est hors de portée. Nos fermiers afin de rabattre les assaillants vers les militaires tendent une embuscade. A cette manœuvre, les émeus répondent par une dispersion en petits groupes avec rapidité. Le résultat de cette première rencontre qui ne fit aucun blessé, on dénombra quelques victimes parmi d’autres oiseaux.

Le 3 novembre, la Task force rencontre 1000 émeus, étant à portée du tir, seulement 12 oiseaux sont tués, car la mitrailleuse s’enraye ! Les survivants s’échappent. Le major est décontenancé. On décide donc de changer de stratégie et de monter les mitrailleuses sur un camion afin de gagner en rapidité. Cette initiative ne sera pas couronnée de succès. Les soubresauts du camion sur un terrain accidenté ne permettent pas au tireur une précision parfaite. C’est de nouveau un échec.

famille d’émeu. source Wikipédia

Le rapport officiel vers le 8 novembre précisera : « on ne déplore aucune perte dans le rang des hommes, … »

On conviendra qu’une attaque d’un groupe compact est quasiment impossible et que les barbares émeus ont entrepris une tactique de guérilla.

La Chambre des Représentants discute de cette situation, la presse relate le manque d’efficacité. Après un arrêt des hostilités de quelques jours, le Premier Ministre James MITCHELL, décide de reprendre l’offensive, le 13 novembre. On constatera, en décembre, que 9860 balles ont été tirées, 986 « envahisseurs » ont été tués.  On pense et évalue qu’environ 2500 volatiles ont été blessés.

L’armée se retire et on note que la « Grande Guerre des Emeus » est un échec cuisant face à des volatiles tenaces et résistants.

Afin de préserver les cultures, et de laisser en paix ce volatile endémique de l’Australie, on décidera bien plus tard de construire des clôtures. L’émeu est un animal protégé et figure sur les armoiries de l’Australie avec son compagnon des terres immenses, le kangourou.

armoiries de l’Australie

Sources: Nature Xtreme, Bec CREW (Scientific American