En 1916, le visage de l’armée britannique a bien changé depuis août 1914 et l’engagement des soldats de métier de la British Expeditionary Force (BEF). Comptant à peine 70 000 hommes en 1914, les forces britanniques alignent à la veille de l’offensive de la Somme un peu plus d’un million et demi d’hommes issus du volontariat et de la conscription.

Pour parvenir à un tel chiffre, le gouvernement britannique a créé des divisions « regulières » et des divisions « territoriales ». La Territorial Force, créé en 1908, compte 14 divisions d’infanterie et autant de brigades de cavalerie. Chacune de ses unités est liée à une unité de Regulars de la même région géographique, mais jusqu’à l’entrée en guerre, le service de ces unités outre-mer n’était pas obligatoire. L’engagement de ses hommes aux côtés de la BEF n’est donc pas acquis en août 1914. Lord Kitchener décide donc de recourir au volontariat pour former 18 nouvelles divisions. En septembre 1914, les 100 000 premiers volontaires, globablement recrutés dans les villes, sont incorporés dans les fameux Pals Battalions (bataillons de copains) regroupés au sein de la New Army (Nouvelle Armée). Le succès du volontariat est tel, que 134 bataillons sont ainsi levés. Malheureusement, le gouvernement est incapable de les doter d’équipements pour en faire immédiatement des soldats. Selon le plan de Kitchener, ils doivent être instruits pour un engagement sur le front en 1916 ou 1917. Néanmoins, devant les pertes subies en 1915 par la BEF, le transfert des unités de la New Army commence dès 1915.

Liverpools pals

Les « Liverpool Pals » juste après leur engagement.

Malgré l’enthousiasme indéniable des volontaires, ceux-ci ne reçoivent en général une instruction militaire élémentaire qu’à partir de janvier 1916 et encore de la part d’officiers peu expérimentés issus de la réserve et de l’armée des Indes. Cette instruction est d’autant plus rudimentaire qu’elle ne tient pas compte de la profonde mutation des combats sur le front occidental depuis l’émergence des tranchées de Dixmude à la frontière suisse. Le maniement des armes s’effectuent avec des modèles anciens, les volontaires ne recevant le fameux Lee Enfield qu’au moment de s’embarquer pour la France. De même, la croissance des effectifs des troupes présentes en France pose un problème de création d’états-majors compétents pour planifier et diriger les opérations. Cette carence avait éclaté au grand jour au cours de la bataille de Loos en 1915 et, à la veille de la bataille de la Somme, elle est toujours d’actualité. Enfin, sur le plan tactique, les unités de volontaires sont entraînées à se déplacer sur le terrain en ligne par compagnie, exactement comme en 1914.

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Les volontaires du 17th Manchester Battalion.

On comprend mieux alors les réticences du général Haig à engager de telles forces dans une offensive d’envergure face à une armée allemande certes en infériorité numérique, mais aguerrie par plus de 18 mois de combat. De même, l’absence de maîtrise de la nouvelle forme de guerre auquelle ces jeunes hommes vont faire face sera, en partie, à l’origine des pertes effroyables qu’ils subiront dès le premier jour de l’offensive. Enfin, le recrutement des volontaires par entreprise, club de sport et autres associations au sein d’une même ville entraînera de graves déficits démographiques après-guerre.

SYLVAIN FERREIRA