Après avoir abordé les réformes entreprises après la cuisante défaite surprise face au Japon en 1905, nous vous proposons d’explorer le plan de mobilisation de l’armée du Tsar Nicolas II en août 1914.

Tout d’abord, sous l’impulsion de Soukhomlinov et de Danilov (intendant en chef), l’armée russe modifie en 1910 son plan de mobilisation en cas de conflit avec l’Allemagne. Résoulant défensifs malgré les engagements pris à l’égard de la France, les précédents plans pronaient une évacuation des territoires polonais à l’ouest de la Vistule. Avec l’adoption du « Plan 19 » en 1910, la STAVKA (l’état-major) change de paradigme pour adopter une posture offensive pour ne pas laisser la France isolée face au Reich. L’armée impériale doit se placer en position centrale en Pologne pour agir à la fois en Prusse orientale contre les Allemands et en Galicie contre les Austro-Hongrois. Pourtant cette position expose les flancs du dispositif russe aux attaques des forces de la Triple Alliance.  Officiellement, la STAVKA conserve deux options de mobilisation, une en cas de guerre uniquement à l’Est et surtout en cas de guerre où l’Allemagne attaquerait la France en priorité.

Vladimir_Sukhomlinov

Vladimir Soukhomlinov, le ministre de la Guerre.

En 1912, le « Plan 19 » et ses modifications prévoient donc de porter l’effort principal contre l’empire des Habsbourg en mobilisant 46 divisions d’infanterie pour attaquer en Galicie et 29 divisions d’infanterie face à l’Allemagne. L’ensemble des forces ainsi mobilisées doit passer à l’offensive dans son secteur respectif, mais au final aucune ne possède les moyens suffisants pour écraser son adversaire. C’est là principal faiblesse de l’armée tsariste à l’entrée en guerre. Les critiques sur l’impréparation de l’armée ou le manque de munitions, loin d’être infondées, ne représentent pas le facteur déterminant de l’échec stratégique des forces russes en 1914. Cette situation est liée aux « intrigues » des opposants à Soukhomlinov qui, avec ses partisans, avaient parfaitement compris que l’ennemi principal de la Russie était désormais l’Allemagne.

Le corps des officiers russes a bénéficié des réformes mais la promotion des meilleurs élémens vers les états-majors restent rares.

Le corps des officiers russes a bénéficié des réformes mais la promotion des meilleurs éléments vers les états-majors reste rare.

Si en juillet 1914, l’armée russe est bel et bien la première armée d’Europe numériquement et matériellement (l’aviation russe est la deuxième du monde) grâce aux réformes entreprises, elle va pâtir à la fois de cette planification stratégique qui ne correspond pas à la menace réelle que représente l’Allemagne, et d’autre part à l’absence de professionnalisme et de modernisme d’un trop grand nombre d’officiers généraux en charge de mener les futures opérations militaires.

SYLVAIN FERREIRA