Pilier de l’Entente depuis le début de la guerre, l’armée tsariste a perdu beaucoup de crédit au cours des deux premières années de la guerre. Pourtant, en 1916 elle va jouer un rôle colossal en coordonnant son offensive contre l’Autriche-Hongrie avec l’offensive franco-britannique sur la Somme. Portrait en plusieurs parties d’un géant endormi, de la veille de la guerre à l’offensive Broussilov.La valeur militaire de l’armée russe a déjà été fortement entamée après la guerre russo-japonaise de 1905. Néanmoins, après la cinglante défaite subie face à l’armée japonaise, les appels à la réforme se sont faits entendre des journaux jusqu’au monde politique. Entre 1908 et 1910, plus de 1 500 livres sur des sujets militaires sont publiés tandis que la presse se fait régulièrement l’avocat de l’adoption de nouvelles méthodes d’enseignement de la tactique à l’Académie militaire d’état-major Nicolas. Même les membres de la nouvelle Douma et le nouveau ministre de la Guerre, Alexandre Rediger, prennent position en faveur des réformes.

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Le ministre de la Guerre, Alexandre Rediger principal artisan des réformes de l’armée impériale.

A partir de 1912, on insiste  sur la multiplication des manoeuvres ainsi que la mise en place de kriegspiel (jeux de guerre) pour compléter la formation des troupes et des officiers. Malheureusement, lorsque la guerre éclate en 1914, la lente mise en oeuvre de ces réformes n’a pas encore permis de modifier en profondeur l’armée impériale en raison des lourdeurs administratives de la bureaucratie. L’un des rares progrès enregistrés concerne la baisse des nominations d’officiers issus de la noblesse au profit d’officiers ayant reçu une formation militaire. Grâce à Rediger, entre 1905 et 1912, 62% des commandants de corps d’armée et 68 % des généraux de division de l’infanterie sont brevetés de l’Académie militaire d’état-major Nicolas. Dans le même temps le budget attribué aux manoeuvres et à l’équipement augmente sensiblement.

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Le Tsar bénissant ses hommes.

Le travail entamé par Rediger sera poursuivi par son successeur, Vladimir Soukhomlinov, ministre de 1909 à 1915. Malgré les revers essuyés par l’armée tsariste en 1914 et 1915, il tente de moderniser l’armée russe en s’inspirant des standards occidentaux. L’artillerie reçoit notamment à partir de 1912 des obusiers Krupp de 120mm à tir rapide ainsi que des obusiers Schneider-Creusot français de 150 mm. L’artillerie est également dotée de trains d’artillerie modernes. Il veille à l’intégration des mitrailleuses dans les unités d’infanterie, de sapeurs, mais aussi à une meilleure interaction entre l’artillerie et l’infanterie.

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Section de mitrailleuses Maxim.

Enfin, et contrairement aux prédictions allemandes, il met en oeuvre un plan de mobilisation modernisé qui permet aux commandants de corps d’avoir rapidement des unités prêtes au combat. Malheureusement, la production de matériel pour soutenir le rythme de ces réformes ambitieuses et nécessaires ne suit pas. Il est par ailleurs accusé de protéger les officiers issus de la noblesse, y compris dans des cas de corruption, au détriment du professionnalisme. Communiquant peu avec ses subordonnés et indifférent à la critique, il a tout de même permis une amélioration notoire de la préparation de l’armée russe lorsqu’éclate la guerre en 1914.

(à suivre…)

SYLVAIN FERREIRA