Reconstituant spécialisé en médecine et vice-président de l’association Poilu de la Marne, Daniel Doudoux redonne vie à un poste de secours typique de la Grande Guerre. Rencontre.

1/ Tout d’abord peux-tu nous dire en quelques mots ce qui t’a motivé pour devenir reconstituant ?

Je suis Vice-Président de l’Association « Le Poilu de la Marne », association Loi 1901 crée en 1991 dont le siège se trouve à Épernay dans la Marne. J’y ai pris mes quartiers en 2007 après avoir côtoyé le groupe lors de différentes manifestations et après avoir été séduit par leur dynamisme et leur sérieux. Intéressé par l’Histoire en général et particulièrement celle de la Première Guerre Mondiale, je suis toujours dans une dynamique de recherche sur cette période afin de partager mes connaissances avec le public présent lors de nos reconstitutions. Par ailleurs, mon intérêt se porte aussi bien sur le côté militaria mais aussi sur la vie à cette époque tant du plan sociétal que sur le plan des arts.

Le fait de porter l’uniforme, et en particulier la tenue traditionnelle de chasseur à pied, ainsi que celle de médecin, me paraît être naturel car cela correspond à une suite logique dans mes recherches, et à mon envie de faire partager mes connaissances. Il se crée un dialogue enrichissant avec les personnes que je peux rencontrer. Je n’ai pas pour ambition de me mettre personnellement en avant mais j’essaye de perpétuer en toute humilité et honnêteté la mémoire de tous ces hommes. Ces hommes qui avant d’être soldats, étaient des pères de famille, des ouvriers, des paysans… N’oublions pas que la spirale de la guerre a conduit à 9 millions de morts ( toutes nations confondues) durant le conflit . La Grande Guerre constitue un désastre humain et matériel sans précédent dans l’histoire de l’Europe.

Mes racines sont lorraines et j’ai longtemps vécu dans cette région, qui de par sa position géographique a longtemps été marquée par l’histoire et qui porte encore aujourd’hui les stigmates de la souffrance des hommes. J’ai eu la chance d’avoir des grands-parents qui m’ont transmis certaines valeurs et ont contribué à entretenir ce devoir de mémoire. On ne peut rester insensible devant toutes ces vies brisées et je ressens de l’empathie pour tous ces soldats.

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2/ Tu as choisi un axe assez singulier avec la médecine de guerre ; pourquoi?

Ayant suivi un cursus universitaire lié à la formation médicale, puis effectué mon Service Militaire (du temps où il existait encore) au sein du Service de Santé des Armées, il me paraissait intéressant d’utiliser et d’apporter mes compétences en ce domaine au sein de l’association. En recréant une structure médicale visible lors de nos déplacements, l’idée majeure est de plonger le public, non pas en le tenant à l’écart, mais en le mettant en « immersion ». Le poste médical est recréé à l’identique, structuré pour être fonctionnel, tel qu’à l’époque. Les visiteurs peuvent y entrer, y circuler, voir le matériel « hors vitres » comme c’est le cas dans un musée. Ils peuvent se renseigner sur le fonctionnement d’une structure médicale pendant la première guerre, sur les instruments utilisés, sur la chaîne d’évacuation, les soins pratiqués, les types de blessure. Mon objectif est d’avoir une approche dynamique, éducative et le plus possible participative.

Dans son poste médical recréé à l’identique, le public peut circuler et voir le matériel de près.

Dans son poste médical recréé à l’identique, le public peut circuler et voir le matériel de près.

3/ Comment réagit le public par rapport à tes camarades « en armes », est-il intéressé de la même manière ?

La médecine est fédératrice car elle concerne tout à chacun. La médecine de guerre a la même fonction que la médecine traditionnelle : soigner et guérir les hommes. Avec une particularité qui est celle de l’urgence et de la rentabilité dans des situations extrêmes.

En abordant la médecine dans une approche plus globale, le contact est donc plus facile et plus participatif par comparaison à l’aspect purement militaire.

Si beaucoup de personnes ont d’abord une réaction d’appréhension en rapport avec la brutalité des blessures qui leur viennent à l’esprit, celle-ci s’estompe très rapidement du fait d’une démarche plus participative par le jeu des questions-réponses, des explications apportées, et des démonstrations données. A ce propos, je me suis fixé depuis le début une « ligne rouge » à ne pas dépasser : ne jamais sombrer le théâtral . Il ne s’agit pas de simuler une amputation ou une opération de chirurgie lourde. Seuls des démonstrations de brancardage ou de petits soins sont parfois mises en place lors de reconstitutions importantes.

Daniel Doudoux

Par ailleurs, tout est conçu avec une certaine déontologie visant à respecter le cadre sans déborder, comme je le disais plus haut, dans le grotesque. La structure médicale est faite de manière à être intégrée dans une structure de campement globale au sein de l’association. Je suis par exemple équipé parfois d’un téléphone de campagne fonctionnel qui est relié à un poste de communication situé à un autre emplacement du camp. De cette manière, le public peut passer d’un point d’intérêt à un autre et ainsi découvrir différents aspects d’un campement militaire.

4/ Quelles sont tes projets, tes perspectives pour le Centenaire ? Participeras-tu à des interventions en milieu scolaire par exemple ?

Centenaire oblige, le planning de l’Association est très chargé pour 2014 (cérémonies, tournages, interventions en milieu scolaire, expositions et reconstitutions)… Je tiens à ajouter que je ne change pas pour autant d’optique dans mes fondamentaux : les commémorations autour du centenaire ne sont pas le point de départ de ma motivation pour pratiquer la reconstitution. C’est une étape obligée, prenante et importante. Rien ne viendra perturber mon axe de travail si ce n’est la volonté d’améliorer toujours et encore l’impact et la connaissance du public sur cette période de l’Histoire. C’est pourquoi j’ai voulu ouvrir le champ des possibles par l’adjonction de compétences additionnelles via l’écriture et la peinture en invitant Maryline Martin et Eric Monbel lors de nos sorties axées uniquement sur la reconstitution.

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Daniel Doudoux