Tous les corps de métiers ont payé leur tribut à la Grande Guerre. Si des millions d’anonymes sont tombés au front, des poètes et écrivains – déjà ou bientôt illustres – ont péri sur les champs de bataille. D’autres, survivants, touchés dans leur chair et dans leur âme, ont laissé des témoignages poignants.

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. […] Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »

Le lieutenant Charles Péguy a peut-être songé à ces quelques mots – tirés d’un poème qu’il écrivit en 1913 – lorsqu’il se retrouva, le 5 septembre 1914, pris dans les combats de la bataille de l’Ourcq, au milieu de champs situés entre Penchard et Villeroy. Ce sont peut-être eux qui lui ont commandé de lancer l’assaut désespéré qui lui coûta la vie, donnant à ces lignes une dramatique force prémonitoire…

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Tous deux morts pour la France… Ci-contre deux clichés peu connus des écrivains en uniforme. A gauche, Charles Péguy (276e RI). A droite, Alain-Fournier en août 1914.

Mort au combat

Comme Charles Péguy, Alain-Fournier est mort au front durant la Grande Guerre. L’auteur du Grand Meaulnes est tombé le 22 septembre 1914, à Saint-Rémy-la-Calonne, dans la Meuse. Les circonstances des combats durant lesquels il perdit la vie ont fait l’objet de controverses. Ainsi, selon certaines versions, la patrouille d’Alain-Fournier aurait tiré sur des brancardiers allemands, provoquant une réplique meurtrière.

J’ai tué

Autre écrivain-combattant, Blaise Cendrars n’a pas succombé durant la guerre, mais il en ressortit mutilé, amputé du bras droit, après avoir été grièvement blessé le 28 septembre 1915. En 1918, Cendrars écrivit J’ai tué, témoignage d’une puissance stupéfiante sur la fureur des combats : « Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. »

Des œuvres majeures

Un réalisme saisissant également présent dans Le Feu d’Henri Barbusse qui combattit sur le front entre 1914 et 1916. Ce roman fut récompensé par le prix Goncourt 1916 et est toujours considéré comme l’une des œuvres majeures sur la Première Guerre mondiale.

Tragédie humaine

Historiques aussi les cinq volumes de Ceux de 14 de Maurice Genevoix, écrits entre 1916 et 1923.

« J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. »

Grièvement blessé le 25 avril 1915 à Rupt-en-Woëvre (Meuse), ce dernier perdit l’usage de sa main gauche et fut déclaré invalide à 70 %. Son récit, d’abord censuré car susceptible de briser le moral des troupes, raconte tout de l’horreur des combats et de la tragédie humaine que l’écrivain vécut : « Le soir vient. […] Des vides ont grandi dans nos rangs, que le calme seulement nous permettra de connaître et de sentir. Voici venu le moment où il faut que les vivants se retrouvent et se comptent, pour reprendre mieux possession les uns des autres, pour se serrer plus fort les uns contre les autres… »