Le Major Hubert MIDY, de la Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion Étrangère nous propose quelques articles réalisés à partir de JMO (Journal de Marche et des Opérations) sur la Légion dans la Grande Guerre.
Voici le premier sur le RMLE (Régiment de Marche de la Légion Etrangère) du 2 au 10 juillet 1916 dans la Somme.
Merci à lui pour ce travail intéressant.

Pour mémoire , le RMLE a été créé le 11 novembre 1915, par fusion du 2ème Régiment de Marche du 1er Etranger et du 2ème Régiment de Marche du 2ème Etranger.

CHRONOLOGIE :

EXTRAITS DU JMO DU RMLE. Journée du 1er juillet 1916 .

A) Positionnement du RMLE :

  • 1 bataillon à Fontaine les Cappy. (80)
  • 1 bataillon dans le thalweg à l’est du bois du pylone.
  • 1 bataillon à la même hauteur au sud de la route de Chuigne à Fontaine les Cappy.
  • le PC du CDC aux abris ouest de Fontaine les Cappy.

Un repositionnement des unités est ordonné par le général DEMETZ commandant la Division.

Ordres du Lt/colonel COT, chef de corps du RMLE : Les bataillons auxquels les ordres ont été envoyés doivent faire mouvement à partir de 14 heures.
Les bataillons occuperont les positions suivantes :

  • 2ème bataillon du commandant WADDELL , à Fontaine les Cappy.
  • 3ème bataillon du commandant MOUCHET au bois du pylone.
  • 1er bataillon du commandant RUELLAND à l’ouest du bois de Berthonval.
  • le PC du L/Colonel COT à l’ouest de Chuignes(80).

Le régiment passe la nuit dans cette position :

Ordre de bataille du RMLE

  • Composition du PC : CDC Lt/colonel COT et capitaine GERMANN officier adjoint.
  • 1er bataillon : commandant RUELLAND, adjudant-major capitaine DE SAMPIGNY.
    • 1ère cie : capitaine ROUAN.
    • 2ème cie : capitaine MEYER.
    • 3ème cie : capitaine LITTRE.
    • 4ème cie : capitaine GULLY.
  • 2ème bataillon : commandant WADDELL, adjudant-major capitaine ROUSSEAU .
    • 5ème cie : capitaine PETEAU.
    • 6ème cie : capitaine ABOUT.
    • 7ème cie : capitaine HALLONET.
    • 8ème cie : capitaine NOEL.
  •  3ème bataillon :commandant MOUCHET.
    • 9ème cie : capitaine JAQUESSON.
    • 10ème cie :capitaine TSCHARNER.
    • 11ème cie : capitaine BARAZER DE LANNURIEN.
    • 12ème cie : capitaine DUBECH.
  • Mitrailleuses à 3 compagnies : capitaine MESNIL, lieutenant VEIBER, capitaine MAROLF .
    Détachement laissé à Bayonvillers : capitaine DONNADIEU. Compagnie de dépôt : lieutenant MARION. Réserve de cadres laissés à la compagnie de dépôt : Lieutenant SOTIROPOULOS et DEBON. Sous-lieutenants BERTHELEMY , REVEILLAC et MORACHINI.

Journée du 2 juillet : les unités sont informées que le village d’Assevillers est fortement occupé par l’ennemi et que l’attaque qui devait avoir lieu à 14 heures est retardée. Ordres du général commandant la 3ème DIC « le colonel commandant le régiment de Légion poussera au reçu du présent ordre 1 bataillon à l’est du bois commun, échelonné depuis la tranchée du prédicateur, jusqu’aux anciennes 1ères lignes françaises .Remplacer ce bataillon à Fontaine les Cappy par celui qui se trouve à Chuignes. » Le mouvement commencé immédiatement est terminé à 18 heures . Pertes de la journée : 13 blessés.

Journée du 3 juillet : Le bataillon WADDELL fait mouvement pour occupation du village d’Assevillers (80) et ensuite son organisation. Le bataillon se porte à hauteur de la côte 72 , entre la côte 88 et le bois de Glatz.Trois compagnies en 1ère ligne et une compagnie en réserve. Le bataillon MOUCHET place deux compagnies dans la tranchée du prédicateur et deux compagnies en lisière est du bois commun. Le bataillon RUELLAND à Fontaine les Cappy. Le PC du chef de corps , Lt/colonel COT à 570. Pertes de la journée : tués 9 , blessés 11. -22 heures , ordre pour la journée du 4 juillet : le RMLE resserrera son dispositif vers l’est. Le bataillon actuellement à Fontaine les Cappy (RUELLAND) s’installera dans les anciennes premières lignes françaises dans le secteur déterminé par le boyau de Dompierre et celui du boyau neuf.

Journée du 4 juillet : 12 heures : ORDRE GENERAL D’OPERATIONS .

1) Situation sans changement depuis le 3 juillet soir.
2) Les avions qui ont survolé dans la soirée du 3 juillet et la matinée du 4 juillet, le terrain entre notre front et la Somme, ont constaté que l’ennemi travaillait activement à renforcer leurs lignes de défense, dans la région de Bazancourt et de Belloy en Santerre. Renseignements confirmés par les reconnaissances de cavalerie en avant de nos lignes dans les directions de Clery sur Somme, Péronne et Villers-Carbonnel.
3) Il importe de chasser l’ennemi de ses positions avant qu’il ait le temps de s’organiser.
En conséquence, le RMLE attaquera dès aujourd’hui Belloy en Santerre, et les bois au nord-est. La préparation par l’artillerie déjà commencée continuera avec la plus grande vigueur. Il sera fait un large emploi des obus spéciaux sur le cimetière de Belloy en Santerre, les lisières du village et la zone boisée au nord. En liaison avec le CA, au carrefour de la côte 87 (intersection de la route de Saint-Quentin et du boyau de l’amertume).
Objectifs à atteindre en fin d’attaque : les lisières est et nord du bois de Belloy en Santerre.
Le village de Barleux et les positions ennemies de sa lisière ouest seront prises sous un déluge de feu.
Le RMLE doit attaquer cet après-midi. Le colonel COT fait resserrer ses unités sur l’avant et prend toutes les dispositions pour l’attaque.
La ligne d’attaque est comprise entre le village d’Assevillers et le cimetière de Belloy en Santerre. L’attaque aura lieu à 17 heures.
Dispositifs d’attaque : 2 bataillons accolés en 1ère ligne, 1 bataillon en réserve.
Le bataillon MOUCHET à droite attaquera en colonne double, avec sa compagnie de mitrailleuses.
Le bataillon WADDELL à gauche attaquera dans la même formation.
Le bataillon MOUCHET prendra ensuite la place du bataillon WADDELL.
Préparez les unités de grenadiers, munis de brassards pour le nettoyage du village.
Le bataillon RUELLAND, en réserve, rejoindra le boyau de Breslau, quand l’itinéraire sera dégagé. L’artillerie allongera son tir au fur et à mesure de la progression des bataillons. Le signal sera le lancement de fusées vertes. Le colonel sera côte 72 où il se rend immédiatement.

L’ATTAQUE.
La mise en place des bataillons est lente, du fait de la pluie qui rend le terrain glissant. Un élèment de reconnaissance par bataillon sortent des tranchées et se portent à hauteur du village. Ils lancent des fusées vertes. C’est le signal de l’attaque. Le mouvement de l’attaque est ralenti par un tir nourri de l’ennemi à hauteur du chemin qui mène au village. Le bataillon de gauche (WADDELL) s’abrite un instant derrière le talus qui borde le chemin, puis d’un seul élan, traverse le village et s’établi sur la lisière est, pendant que les grenadiers nettoient le village et font affluer vers l’arrière de nombreux prisonniers. Le bataillon de droite (MOUCHET) éprouve des difficultés beaucoup plus grandes. Sa compagnie de droite est décimée par des tirs nourris de mitrailleuses installées dans le boyau du chancelier. La compagnie de gauche atteint plus facilement son objectif et s’installe à la sortie sud-est du village. L’entrée en ligne des 2 autres compagnies est nécessaire pour enlever la partie gênante de ce boyau. La 1ère compagnie de soutien éprouve elle-même de lourdes pertes, mais la 2ème compagnie s’empare de 4 mitrailleuses et va s’installer sur son objectif au sud du village.
A 18 heures le village de Belloy en Santerre était entièrement entre nos mains. Le bataillon WADDELL, qui dispose encore de la majorité de ses sections, tient la lisière est. Le bataillon MOUCHET, très éprouvé et n’ayant plus de soutien occupe la lisière sud. Le colonel COT, chef de corps du RMLE, dès la connaissance de la situation, fait pousser ce bataillon, renforcé par 2 compagnies du bataillon RUELLAND, plus à l’ouest pour soutenir les unités qui se trouvent dans le village, et s’installent dans le boyau de la tristesse.
Cependant, le bataillon WADDELL, établi en avant de la lisière est, souffre énormément du tir de l’ennemi, qui tient la colline dominant à l’est le village. Le chef de bataillon demande un tir d’artillerie sur cette position.
L’ennemi, pour se soustraire au tir de l’artillerie se réfugie dans un chemin creux, en contre-pente à l’est de la colline.
Une lutte acharnée s’engage à l’arme blanche pour la possession de cet emplacement que l’ennemi ne cède qu’après trois attaques successives.
Le chemin creux nettoyé , la ligne de front progresse dans le bois du Parc, encore sérieusement tenu. Enfin vers 22 heures, le bois du Parc est gagné.
L’objectif final atteint, son organisation commence, troublée par le tir de mitrailleuses allemandes dissimulées dans les hautes herbes.
Au cours de la nuit, des contre-attaques ennemies oblige le colonel COT, pour faire face à cette situation, à engager les 2 seules compagnies qui lui restaient en réserve.
Au cours de l’attaque de Belloy en Santerre (Somme), le poète et écrivain américain Alan SEEGER est tué au combat. Il est né à New-York le 22 juin 1888. Il s’est engagé dans la Légion le 24 aout 1914. Affecté au 2ème régiment de marche du 2ème régiment étranger, puis au RMLE.

Journée du 5 juillet : Une première contre-attaque de l’ennemi vers 3 heures du matin, réussit à démolir une de nos mitrailleuses et lui permet de pénétrer à l’est du village. Il en est délogé par une attaque à la baïonnette par un groupe rallié par le lieutenant CARRERO qui charge à sa tête.
Une mitrailleuse installée par le sergent PANTIN est anéantie. Une nouvelle contre-attaque vers 4 heures 30 est littéralement fauchée à 50, 60 mètres de nos lignes par le feu de nos mitrailleuses. Cette contre-attaque, ne se serait pas produite si l’artillerie avait continué ses tirs.
L’attitude du régiment, au cours de cette attaque, a été exemplaire. Après avoir marché à l’assaut avec un entrain irrésistible, les légionnaires, sous le feu de l’ennemi ont brisé toutes les contre-attaques avec une fermeté inébranlable.
Les blessés, dont certains horriblement atteints, et qui ont défilés pendant toute l’action, on fait preuve d’une totale abnégation. Pas une seule plainte, mais le regret de ne pouvoir continuer la lutte.
Le nombre d’allemands laissés sur le terrain est considérable. De plus , le régiment a fait 850 prisonniers, dont 17 officiers. Il s’est emparé de 4 mitrailleuses et a libéré un habitant du village, qui s’était réfugié dans une cave.
Le régiment a été relevé dans la nuit du 5 au 6 juillet. Les légionnaires ont montré un état mental digne de leurs ainés.

Avis du colonel DEMETZ, commandant la Brigade :
« Sous l’énergique commandement du lieutenant-colonel COT, le régiment de Légion, chargé d’enlever le village fortement tenu par l’ennemi, s’est élancé à l’attaque avec une vigueur et un entrain remarquables. Ils ont conquis le village de haute lutte, brisant la résistance acharnée des allemands et s’opposant ensuite à toutes les contre-attaques effectuées par des renforts ennemis dans la nuit du 4 au 5 juillet 1916. C’est un fait d’armes glorieux qui vient s’ajouter à la liste déjà longue de la Légion. Le colonel salue, avec une respectueuse émotion, les officiers, les sous-officiers et légionnaires tués au combat. »

PERTES au cours de l’attaque de Belloy en Santerre :
Officiers tués : Lieutenant RONDEAU, les sous-lieutenant LALINDE, CAZIN, FLOTTE,MORERE. Officiers blessés : Commandant MOUCHET (remplacé par le capitaine DUBECH) les capitaines GULLY, HALLOUET, NOEL, JAQUESSON et TSCHARNER. Les lieutenants FAUST, SANCHEZ-CARRERO et BUCHY. Les sous-lieutenants MARECHAL, BENOIST, RAMELET, DAUPHIN, BRUGNEIRE, CASTILLO et BOUTON. Médecin CRISTINI.
Sous-officiers et légionnaires : Tués 112, blessés 488 et 131 disparus.
Le régiment reste sur la position conquise qu’il organise toute la journée et une partie de la nuit, au contact immédiat de l’ennemi qui s’organise dans les champs de blé et les hautes herbes qui s’étendent en avant des lisières sud et ouest de Belloy en Santerre et dans le boyau du chancelier. L’artillerie ennemie bombarde sans relâche toute la position occupée et l’infanterie allemande effectue de nombreuses contre-attaques sur la corne sud-est du village. Le régiment à de lourdes pertes, mais conserve la position. La relève du RMLE se fera ce soir par le 4ème tirailleurs.
PERTES de la journée en tenant les positions conquises : Tués : capitaine MAROLF et ROUAN. Blessés : Sous-lieutenants MALHOT, PASQUALAGGI et SETA. Sous-officiers et légionnaires : tués 37, blessés 96 et 15 disparus.

Journée du 6 juillet : le RMLE , qui ne compte plus que 45 officiers et 1955 sous-officiers et légionnaires,  est mis en réserve dans des positions de repli. Il occupe la tranchée de Glatz et celle du bois Hilda. Le ravin au sud-est d’Assevillers et le boyau de Breslau.
Pertes de la journée : tués 8, blessés 63 et 5 disparus.

Journée du 7 juillet : Le RMLE reste sur les positions occupées la veille. 19 heures 15 : ordre du chef de corps : La 2ème compagnie de mitrailleuses se portera immédiatement vers la tranchée de Friedland et du boyau du chancelier qui vient d’être enlevé par le 4ème tirailleurs pour le couvrir sur sa droite.
Pertes de la journée : tués 3, blessés 14 et 4 disparus.

Journée du 8 juillet : Dans la matinée, le Lieutenant/colonel COT donne l’ordre au bataillon RUELLAND de s’emparer du boyau du chancelier, occupé la veille par le 4ème tirailleurs, mais qui vient d’être repris par l’ennemi. Une reconnaissance confirme cette information. Le boyau entièrement recouvert par les hautes herbes échappe à notre vue et sera difficile à reconquérir. Il faut auparavant une préparation par l’artillerie.
Pertes de la journée : tués 11, disparus 6 et blessés 26.

Journée du 9 juillet : Le coup de main effectué à minuit sur le carrefour du boyau « sans nom » et boyau du chancelier échoue. Nos grenadiers pris de flanc par les mitrailleuses allemandes ne peuvent s’approcher suffisamment de l’objectif pour l’enlever. En même temps nos tranchées sont soumises à un bombardement intense au cours duquel le commandant RUELLAND est grièvement blessé. Le chef de corps décide d’effectuer une nouvelle attaque. Le RMLE attaquera cet après-midi le boyau du chancelier à l’heure qui lui sera fixée et occupera le boyau depuis la lisière à l’est du village jusqu’à hauteur du bois Bismark.
A midi le RMLE est prêt pour l’attaque , et l’artillerie peut commencer sa préparation.
A 13 heures 30 , le lieutenant-colonel COT estime que la préparation est suffisante.
Il décide d’attaquer à 14 heures, et demande à l’artillerie d’allonger son tir. Le 1er bataillon est reçu par un tir nourri de fusils. De son côté le 2ème bataillon subit de lourdes pertes. La préparation de l’artillerie est de nouveau jugée insuffisante, et le chef de corps demande qu’elle reprenne sa préparation.
A 16 heures l’attaque est reprise par le RMLE. L’ennemi laisse approcher les légionnaires et déclenche un feu nourri de fusils et de mitrailleuses, partant du boyau du chancelier et de la zone comprise entre ce boyau et la route nationale. Les fractions soumises à ce feu sont décimées en peu de temps, la plupart des officiers et gradés sont tués ou blessés. Les légionnaires sont obligés de se protéger sur les emplacements atteints. Devant cette situation le lieutenant-colonel COT demande que l’artillerie reprenne ses tirs.
Le RMLE a perdu au cours de cette attaque 9 officiers et 424 sous-officiers et légionnaires. Relevé par le 4ème tirailleurs, il va se réorganisé à l’ouest de Dompierre.
Pertes de la journée : Officiers tués : les capitaines LITTRE et DO HU VI, les lieutenants SOTIROPULOS et DEBON. Officiers blessés : commandant RUELLAND, les s/lieutenants OCTOBON, COMBEMOREL BELIN et REVEILLAC.  Sous-officiers et légionnaires : tués 69, blessés 214 et disparus 30.

Journée du 10 juillet : Le RMLE poursuit sa réorganisation et reste à Dompierre quelques jours. Le sous-lieutenant CHAPELLE est tué le lendemain. La Division Marocaine à laquelle est rattaché le RMLE est retirée du front. Le 24 juillet, au cours d’une revue, le général commandant la division marocaine, remet la croix de chevalier de la Légion d’Honneur au capitaine MEYER, au lieutenant DESAUNAY et au sous-lieutenant FAVRE. Le lieutenant-colonel COT décore de la croix de guerre 84 légionnaires, dont 1 pour citation à l’ordre du Corps d’Armée, 41 à l’ordre de la Division et 42 à l’ordre de la Brigade.

LE RMLE AURA PERDU 25 OFFICIERS ET 844 SOUS-OFFICIERS ET LEGIONNAIRES.

Major H. MIDY