Ecrit par MICHEL DELMOTTE

Le soldat portugais le plus décoré de la grande guerre.

Anibal Augusto MILHAIS  est né le 9 Juillet 1895 à  Valongo près de Murça, dans le nord du Portugal. Il est comme beaucoup à l’époque agriculteur.

Il est enrôlé dans l’infanterie fin juillet 1915 à Braganca et en 1917, il rejoint le corps expéditionnaire portugais  dans la brigade Trás os Montes de la deuxième division d’infanterie. Il servira sous les ordres du Commandant Fereira do AMARAL, il se fait remarquer par son habileté au tir et considéré comme un tireur d’élite.

L’affectation du Corps Expéditionnaire Portugais.

Les unités du corps expéditionnaire portugais embarquent de Lisbonne  et débarquent à Brest. Plusieurs convois seront assurés,  Il débarque à Brest le 2 février 1917, et rejoint la région d’Aire sur la Lys que l’on surnommera à cette époque « Aire sur Lisbonne ».

Arrivé de militaires portugais à Brest

La région de la Lys porte le nom d’une rivière affluent de l’Escaut. C’est une zone humide et parfois couverte de brouillard. Ce climat sera pénible pour nos soldats portugais peu habitués à ces conditions atmosphériques.

Le corps expéditionnaire portugais doit combattre la VIème armée allemande commandée par le Général von QUAST.

La 2ème Division d’Infanterie Portugaise sera commandée par le Général GOMES DA COSTA.

Les troupes portugaises seront rattachées à la 1ère armée britannique du Général HORNE.


La bataille de la Lys aussi nommée bataille d’Estaires ou quatrième bataille d’Ypres.

Elle se déroule du 9 au 29 avril 1918 et oppose les 20 000 hommes de la division portugaise aux 50 000 soldats de la VIème armée allemande. Cette offensive sera marquée par l’utilisation de gaz toxiques.

Le 9 avril à 4 heures du matin l’armée allemande attaque sous un épais brouillard la 34éme, 40éme et 55éme division d’infanterie  britannique et la 2ème division portugaise. Cette bataille qui commence sera un affrontement d’une violence extrême dans laquelle la nation portugaise perdra un bon nombre de ses enfants. (7000 tués).

En effet suite au traité ce BREST-LITOVSK les allemands ont pu rapatrier vers le front ouest un nombre important d’unités militaires et le général LUDENDORFF lance l’opération « Georgette » qui a pour but de rallier les ports de Calais et de Dunkerque. Ce seront environ 100 000 militaires allemands mobilisés pour cette offensive.

Les exploits militaires de Anibal Augusto MILHAIS

Le 9 avril 1918, Après une nuit et une aube qui ont été marquées par un déluge de 1600 obus. Anibal  se trouve dans les tranchées du secteur de la Ferme du Bois à La Couture. Au gré des mouvements de troupes, il arrive à Huit Maisons, le jour du déclenchement de la bataille de la Lys. Les allemands attaquent au petit matin et sous un épais brouillard, pilonnant sans relâche le front, les relais de communication sont coupés et on avance en tentant d’éviter des pertes humaines.

Vers 10 h, l’ennemi est en approche du secteur de Huit Maisons. Cette redoute est commandée par le major Britannique Furnes, à la tête des Seafords Highlanders et des King’s Edwards. Les troupes portugaises du 15ème bataillon du lieutenant Fontesy sont aussi présentes. Aucun mouvement n’est perceptible, les allemands attendent les renforts. Mais des attaques sporadiques se répètent contre la place tenue par les alliés.

Vers 12h20, et après quatre heures de résistance, les survivants de la 2ème compagnie du 14ème bataillon les rejoignent par la route de Pont du Hem, poursuivis par les Allemands. Les vagues d’assaut se succèdent sans répit, mais Huit Maisons tient bon.

Anibal se retrouve en plein centre de la bataille à Isberg, en quelques heures on compte 1938 tués, et près de 5000 blessés. MILHAIS est en charge d’une mitrailleuse Lewis Mark 1, un fusil mitrailleur efficace et léger ! (12,7kg).

Il est  14h,  l’ennemi commence à encercler ce point fortifié. Le Major Furnes donne l’ordre d’évacuer. Tous obéissent sauf Anibal qui lance pour la première fois cette phrase qui deviendra célèbre « foutez le camp, je vous couvre ». En s’opposant aux ordres, il risque la cour martiale, mais refuse de quitter la position. Armé de sa mitrailleuse Lewis, il couvre la retraite des troupes. Il oppose alors des tirs intensifs contre les deux régiments allemands leur causant de très nombreuses pertes. Cette action permet le repli des écossais et des portugais. Mais resté à son poste, il se retrouve à court de munitions. Encerclé, il se trouve à l’arrière des lignes ennemies.

Etant de petite taille, très vif et rapide, il parcourt les tranchées et le terrain à la recherche d’armes. Il parvient à récupérer des munitions sur des soldats morts, ou des cartouchières abandonnées sur place. Continuant à tirer avec les cartouches récupérées, les allemands pensent qu’un bataillon tient la position. Les allemands finiront par donner l’assaut mais ne le prendront pas. Car celui-ci s’est caché sous une bâche et une carcasse de cheval tué.

Dépassé par les troupes allemandes, il part en direction d’Ypres, il continue à harceler sporadiquement des petits groupes allemands.

Le 13 avril 1915, il tombe sur des prisonniers écossais escortés par des allemands, il réussit une attaque en les mitraillant à outrance. Il repart avec les écossais afin de passer les lignes. Lors du passage d’un marais, il sauve alors un major écossais de la noyade.

Anibal Augusto MILHAIS au centre avec des compagnons

Arrivé dans les lignes alliées il est chaleureusement accueilli, bien qu’il risque des sanctions pour non-respect des ordres. Anibal est un homme humble et discret et ne rapporte rien de ces faits.

Par la suite il couvrira de nouveau des militaires français et belges dans leur retraite sur le champ de bataille d’Ypres.

Ces faits seront rapportés aux autorités militaires par un officier témoins de ces actes  héroïques.

Passé à la postérité de son vivant, il devient impossible de traduire un tel soldat en cour martiale, pour avoir désobéi et réalisé tant d’actes de bravoure. Il reçoit, directement sur le champ de bataille et devant 15 000 soldats, la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre Belge, la Victoria Cross, et le Collier Torre e Espada. (L’Ordre de la Tour et de l’Epée, la plus haute distinction portugaise qui  normalement n’est attribuée qu’à Lisbonne) En plus de ces décorations, il recevra un nouveau nom : « Chamas-te Milhais, mas vales milhoes » ce qui signifie « Tu t’appelles Millier, mais tu vaux des millions ».

Accueil triomphal de Anibal Augusto MILHAIS

L’après-guerre.

Après l’armistice, Anibal Augusto MILHAIS retourne le 2 févier 1919, dans son village de Valongo. Il épouse Maria de Jésus et fonde une famille de 9 enfants dont le couple assurera l’éducation.

Afin de rendre hommage au héros, le village prendra le nom de : « Valongo de Milhais » en 1924.

Mais dans les années 1920, la situation économique est difficile du fait de la crise, et cette situation est la même dans la campagne portugaise. Anibal et sa famille décident donc d’émigrer au Brésil en 1928. La communauté portugaise s’étant rendu compte de ce départ organise alors une grande collecte pour organiser son retour au pays. La famille rentre donc le 5 août 1928. L’Etat portugais en reconnaissance de ces services, lui attribuera une rente.

Soldat le plus titré du Portugal Anibal Augusto MILHAIS décède dans son village le 3 juin 1970.

Il restera pour tous un homme discret au courage sans limites et que l’histoire ne doit pas oublier de part ses actions qui ont évité des pertes de frères combattants portugais.

Sources :

  • Radio Télévision Portugaise
  • Wikipédia
  • Office de Tourisme Béthune Bruay en Artois
  • Archives militaires portugaises, CEP 1918.