Ecrit par MICHEL DELMOTTE

Après les affres de la bataille de la Somme qui furent pour les troupes britanniques un désastre humain. La stratégie va changer.

La butte de Vimy surnommée la « butte de la mort » a déjà fait l’objet de tentatives d’assauts des troupes françaises et britanniques en 1915. Cet objectif est situé entre Vimy et Givenchy en Gohelle, on y domine la plaine de Lens.

Une nouvelle tentative afin de reprendre la côte 145 s’annonce, elle devrait être menée par les troupes britanniques et un fort contingent canadien.

Environ 30000 canadiens sous le commandement du Général Julian BYNG vont s’opposer à 20000 allemands sous l’autorité du général Ludwig FALKENHAUSEN.

L’affrontement se déroule du 9 au 12 avril 1917.

Le caractère stratégique de la butte de Vimy.

La position élevée de ce site permet à l’armée allemande de disposer d’une vue impeccable sur les tranchées canadiennes. C’est également un poste permettant d’assurer une certaine sécurité sur le bassin houiller de Lens. En effet, le charbon extrait dans les houillères du Nord et du Pas–de-Calais approvisionnent l’Allemagne qui a des besoins importants compte tenu du blocus maritime allié.

La réflexion du Général BYNG.

Sir Julian Byng, officier général commandant du Corps canadien, juin 1916-juin 1917.
Source : Canada. Ministère de la Défense nationale/Bibliothèque et Archives Canada (No MIKAN 3213526)

Afin d’éviter les pertes considérables et le carnage de la bataille de la Somme, celui-ci envisage une attaque rapide calculée, afin d’éviter au maximum les pertes humaines de militaires envoyés à une mort certaine. Il s’agit donc de prendre la butte en quelques heures. Cette nouvelle stratégie va nécessiter une préparation adaptée.

L’analyse de la bataille de la Somme permet de constater que la solution britannique retenue était  d’avancer par lignes d’assaut successives. On considérait que plus il y aurait de lignes d’attaque, plus celles–ci avait des chances d’aboutir.

La première action était le barrage d’artillerie, puis venait l’assaut des tranchées et ensuite les charges d’infanterie. Contrairement aux officiers, les officiers subalternes et les sous-officiers n’ont de choix que de faire avancer leurs troupes. Après l’assaut final, les militaires qui ont survécus et franchi les barbelés étant arrivés face aux ennemis sont éreintés et rencontrent des troupes peu marquées par les combats.

En effet contre toute attente, l’artillerie n’a pas ébranlé la première ligne allemande appelée « Régina ». Les troupes britanniques sont face à un ennemi implacable et déterminé qui lancera de très dures contre-attaques.

Les pertes infligées traumatiseront les militaires qui ressentiront l’impression d’avoir été de la « chair à canon ».  Le moral des troupes en sera affecté.

BYNG en tire des leçons, tant du point de vue de l’artillerie que pour le soin apporté aux précisions de tirs, que pour l’efficacité, que de la technique d’aborder les contre-attaques.

La solution du Général BYNG

Contrairement aux méthodes utilisées dans le conflit où lorsque l’attaque était stoppée par une résistance de l’ennemi, il s’établissait un arrêt de l’avancée.  Cette inertie entraine une perte d’effectifs inutile. Une guerre de mouvement va donc prendre place.

Le général BING a pour principe de renforcer le succès et d’annihiler l’échec.

Il donnera pour ordre :« Si une division ou une brigade est tenue en échec, les unités qui la flanquent ne doivent en aucun cas interrompre leur progression. Elles formeront plutôt des flancs défensifs dans cette direction et avanceront elles-mêmes de manière à envelopper l’emplacement fortifié ou le centre de résistance qui fait obstacle. C’est en fonction de cet objectif qu’on lancera les réserves derrière les sections de la ligne où l’avance aura réussi, et non celles où elle aura été retenue. »

Il instaure la réalisation de maquettes permettant aux soldats de connaître le terrain et les objectifs assignés. Chacun peut l’étudier. Les caporaux sont dotés de cartes topographiques ce qui leur permet d’appréhender le processus décisionnel sur le champ de bataille.

Il instaure la technique de tir suivie du mouvement dans la quelle après le tir d’une première vague d’artillerie,  une charge s’ensuit, la seconde vague enjambe la première et attaque également. Cela permet d’engendrer une poussée avec des troupes fraîches. On améliore ainsi le moral et le « confort » des troupes.

Tête d’obus n°106

En matière d’artillerie, on utilisera l’oscilloscope appareil qui permet de calculer et déterminer avec précision l’emplacement d’un canon par le repérage du flash lors du tir.

Il est instauré un feu roulant d’artillerie avec des tirs toutes les trois minutes synchronisés et coordonnés avec l’avancée de l’infanterie. Une prouesse technique  à réaliser compte tenu de l’absence de communication radio entre les troupes.

L’utilisation derrière lignes de tranchées en direction de la crête de canon de marine à gros calibre.

Le remplacement de obus précédents par des obus N°106 à fusée percutante, qui contrairement aux anciens projectiles, explosent aux contacts en particulier des barbelés permettant leur destruction.

Carte faisant apparaître les différentes divisions et leurs objectifs.
Source : CRC Canada

La place fortifiée

La place que les Canadiens vont devoir investir a été fortifiée d’une manière imposante. Trois séries de tranchées auxquelles s’ajoutent des ceintures de fils de fer barbelés qui protègent la colline .Des redoutes en béton étanches ont été bâties, on y a installé l’électricité et téléphone. Afin d’améliorer la logistique et l’approvisionnement il a été créé un réseau de chemin de fer.

De plus, pendant les deux années d’occupation du site, les allemands ont creusé des souterrains permettant de miner le champ de bataille et les tranchées.

La mise en œuvre d’une technique d’assaut

La réussite de l’opération va nécessiter un travail long, fastidieux et laborieux.

Tout d’abord afin de contrer les souterrains mis en place par les allemands, on va creuser des tunnels de plusieurs kilomètres afin d’approcher au plus près de la ligne d’attaque sans être remarqué et en évitant les tirs de barrage.

La 17ème batterie canadienne reprenant un canon allemand  afin de l’utiliser
Source : Canada. Department of National Defence. Library and Archives Canada, PA-001018 /

L’artillerie britannique va intégrer des mitrailleurs et des artilleurs entrainés sur des canons allemands pris à l’ennemi. En effet on envisage une avance rapide, qui ne permettra pas de déplacer les pièces d’artillerie lourde très rapidement. On envisage donc d’utiliser le matériel laissé sur place par les allemands. De cette façon toute unité ayant repris du terrain, pourra tenir la nouvelle position en utilisant le matériel laissé sur place et repousser les attaques qui s’en suivront.

La dynamique de l’attaque se déroulera en cinq phases après une destruction massive des positions fortifiées de l’ennemi, on a défini un plan d’assaut qui est fonction de la toponymie de la crête.

La phase 1 appelée ligne noire concerne le prise de la moitié de la crête,

La phase 2 prise de la côte 145 et la ferme de la Folie appelée ligne rouge,

La phase 3 concerne la prise du village de Thélus et la cote 135 désignée ligne bleue.

La phase 4 l’attaque des batteries dans le bois de Farbus et Goulot nommé ligne brune.

Enfin, la phase 5 qui est la prise du « Bourgeon » le sommet de la crête.

Les objectifs fixés.

La dynamique de l’opération repose sur la coordination et la simultanéité des quatre divisions canadiennes.

Les quatre divisions sont commandées par :

  • La première division, le major-général Arthur CURRIE
  • La seconde division, le major-général Edward BURSTALL
  • La troisième division, le major-général Lewis LIPSETT
  • La quatrième division, la major-général  David WATSON.
1ère DIVISION
Lieutenant-général  Arthur Currie,
Commandant du Corps canadien en France
Source : Canada. Ministère de la Défense nationale
/Bibliothèque et Archives Canada PA 001370 (No MIKAN 3191901)
 
2ème DIVISION
Major-General Sir Henry Edward BURSTALL
Officier Général Commandant
Source : Canada. Ministère de la Défense nationale
/Bibliothèque et Archives Canada (No MIKAN 3213482
 
3ème DIVISION
Major-général Lewis.J. Lipsett,
Commandant  la 3e Division canadienne
Source: Canada. Ministère de la Défense nationale
/Bibliothèque et Archives Canada (No MIKAN 3218379)
 
4ème DIVISION
Major-général David Watson,
Commandant  la 4e Division canadienne.
Source : Canada. Ministère de la Défense nationale
/Bibliothèque et Archives Canada (No MIKAN 3222150)


La ligne noire premier objectif à conquérir demande un assaut simultané des quatre divisions, il faut enfoncer les tranchées ennemies en 35 minutes deux divisions doivent parvenir à la ligne rouge et prendre la côte 145 afin de contrôler le territoire tenu par les allemands à l’est.

Afin de permettre aux divisons du front sud de parcourir le terrain qui est plus éloigné de l’objectif, on va utiliser des brigades de réserves permettant de soutenir la première et la deuxième division. Et ainsi les brigades du front sud pourront atteindre les objectifs trois et quatre : Thélus et la côte 135 et ainsi que le bois de Farbus.

Un plan et déroulement prècis des opérations a été établi. Le lancement de l’attaque aura lieu à 5h30. Après la prise des positions des différentes lignes définies, une pause est assurée afin de conforter le terrain repris. On profite de ces instants afin d’approcher de l’artillerie. Puis les troupes de réserve interviendront et franchiront celles du front avec le but d’atteindre la ligne suivante, s’ensuivra l’attaque finale du « Bourgeon ».

Julian BYNG a si bien pensé et organisé son opération qu’il n’a plus qu’à attendre le moment venu de rejoindre le sommet de la crête afin de féliciter ses hommes.

Le 29e Bataillon d’infanterie avance en zone neutre, à travers les barbelés allemands et sous un tir nourri, au cours de la bataille de la crête de Vimy. Avril 1917.
Source : W.I. Castle/Canada. Ministère de la Défense nationale/Bibliothèque et Archives Canada/PA-001086;

L’offensive.

La préparation du terrain a commencé le 20 mars 1917, avec un bombardement systématique des positions névralgiques allemandes.

Le 2 avril, 983 pièces d’artillerie vont s’acharner à détruire, les routes, tranchées et les moyens de communication.

Le 8 avril, les troupes sont rassemblées au plus près des tranchées allemandes.

Canon de gros calibre tirant vers la crête de Vimy, avril 1917
Source : Canada. Ministère de la défense nationale. Bibliothèque et Archives Canada, PA-001187

Le 9 avril à 4h du matin 30 000 hommes attendent le signal qui va déclencher l’attaque. A 5h30, un canon retentit au loin, c’est le signal. L’enfer se déchaine, l’artillerie et les mines souterraines vont faire voler en éclats les défenses de l’ennemi.

L’offensive commence alors qu’un grand vent du nord-ouest balaye la ligne de front ennemie de neige et de verglas ce qui avantage les canadiens.

L’infanterie foncera sur les tranchées ennemies après les salves d’artillerie qui ont lieu toutes les 3 minutes et au fur et à mesure de l’avancée des contingents. Les militaires allemands totalement pris par surprise ne peuvent gagner leurs postes. Or les soldats canadiens sont des maîtres du corps à corps à la baïonnette. La première ligne est prise sans difficulté, la seconde offre un peu plus de résistance. Une heure après de début de l’attaque les 3 premières divisions ont gagné 750 m sur le terrain.

Comme envisagé, les réserves enjambent le front et relèvent les premières vagues. Ils arriveront au sommet de la crête pour constater la fuite des allemands vers l’est.

La 4ème division aura beaucoup plus de difficultés pour prendre la côte 145, point culminant de la crête de Vimy. Les tirs de barrage n’auront pas eu tous les effets escomptés et une résistance farouche sera opposée à la quatrième division. A 18 heures ; la 11ème brigade prendra d’assaut la position, qui sera tombera en soirée.

Le 12 avril à l’aube le « Bourgeon » sera sécurisé.

L’opération se sera déroulée comme prévue par Julian BYNG, hormis la prise de la côte 145.

Char d’assaut, suivi de l’infanterie, avançant sur la crête de Vimy, avril 1917
Source : Canada. Ministère de la défense nationale. Bibliothèque et Archives Canada, PA-004388

Les conséquences de la bataille.

La bataille de Vimy est un événement militaire de ce premier conflit mondial. Cette bataille met un terme aux techniques de combats du siècle précédent et augure des batailles de mouvement et de tactique avec des moyens matériels qui auront probablement changé le cours de la guerre.

Une nouvelle tactique qui se révèle être un succès apparaît.

Comme le bataille de Cambrai, cette nouvelle vision de stratégie militaire va permettre de forcer le front allemand. La bataille de Vimy est  également un des pires revers de l’armée allemande.

Pour les canadiens, c’est l’affirmation d’une nation unie, regroupant toutes les provinces dans une même unité. Un épisode qui marque à jamais  la nation canadienne.

Canadiens en liesse qui retournent dans leur cantonnement après la bataille de la crête de Vimy, mai 1917
Source: Canada. Department of National Defence. Library and Archives Canada, PA-001353 /

L’équipement des troupes canadiennes

Chaque soldat prenant part à l’assaut portait sur lui « un fusil et une baïonnette, 120 cartouches, deux grenades Mills, cinq sacs de sable, des rations pour quarante-huit heures, un drap imperméable, un masque à gaz, des lunettes protectrices, une fusée éclairante et une gourde d’eau ». Les spécialistes, comme les mitrailleurs Lewis, portaient la même chose mais avec seulement 40 pour 100 des munitions de fusils. Les hommes les plus costauds portaient aussi des pics et des pelles.

Quelques chiffres :

Les canadiens : 30 000 soldats

Pertes :

  • tués ou disparus :        3598
  • Blessés                       7104

Allemands : tués environ 20 000.

95% des corps n’ont pas été retrouvés.

Les constructions alliées :

  • 40kms de routes construites ou aménagées.
  • 32 kms de voies ferrées afin de permettre l’acheminement de 720 tonnes de munitions et victuailles chaque jour.

Ainsi que les munitions dont le poids total avoisine le 38250 tonnes.

  • 72 kms de pipeline pour acheminer l’eau, un débit journalier de 2,3 millions de litres.
  • 34 kms de lignes de communication enterrées.

Sources :

Archives et bibliothèque du Canada.

Ministère de la Défense du Canada.

Encyclopédie du Canada.

Wikipédia.

Passion Compassion 14-18