Ecrit par Françoise CEREDA

Proche de Noyelles-sur-Mer dans le département de la Somme, cette nécropole abrite 849 tombes chinoises. Elle a été construite en 1921 par la Commonwealth War Grave Commission (autorité indépendante, responsable et gestionnaire des sépultures de guerre après la Grande Guerre). La politique mémorielle britannique prônait un enterrement à l’endroit même où les soldats étaient tombés, sans distinction de grade, de race ou de religion. Les phrases gravées sur les stèles de marbre sont toutes les mêmes. Mais ce cimetière se distingue par les noms des hommes quand ils sont connus et la porte d’entrée gravés d’idéogrammes chinois et les essences inhabituelles d’arbres (pins et cèdres). C’est le seul cimetière entièrement consacré aux travailleurs chinois de la Grande Guerre et à la mémoire de ces hommes, premiers immigrés chinois en France.

Dès 1916, la France en guerre manque de bras et le 14 mai 1916, elle passe un accord avec les autorités chinoises, l’autorisant à recruter des travailleurs en Chine. Six mois plus tard, le gouvernement britannique fait de même pour un contingent de 150.000 travailleurs et paysans souvent illettrés, dont la majorité travaillera sur le sol français.

Il est stipulé dans ces contrats que « le travailleur ne participera aucunement aux opérations militaires, il sera uniquement préposé à des travaux agricoles et industriels ».

Le camp militaire britannique de Noyelles-sur-Mer devient leur quartier général, ils forment le « Chinese Labour Corps » sous commandement britannique. Certains sont affectés dans un des camps du territoire, où, bien que n’étant pas combattants, ils subissent l’encadrement strict des soldats. Au camp de Noyelles-sur-Mer, 3.000 chinois travaillent en permanence ou par roulement. Ils déchargent les munitions, ils effectuent des travaux dans les fermes et participent au doublement de la ligne de chemin de fer Paris-Calais. Mais fin 1917, ils seront confrontés à la violence des combats, obligés de déminer les terrains reconquis, ramasser les blessés et les morts sur le champ de bataille ou même d’en déterrer à des fins d’identification, tâches pénibles et dangereuses.

Les travailleurs chinois sont logés dans des baraquements qui leur sont réservés. Ils ne peuvent se rendre au village que par petits groupes, toujours accompagnés par un officier britannique, et avec interdiction de se mêler à la population locale. Ils subissent de multiples quarantaines dues aux maladies engendrées par leurs conditions de vie et le changement de climat. Un hôpital spécialisé et un cimetière provisoire leur sont même dédiés. La grande majorité de ces travailleurs meurent dans l’anonymat vers la fin de la guerre d’une épidémie de choléra qui a sévi dans le camp, de la grippe espagnole ou de la tuberculose, voire tués sur les zones de combat.

Une fois l’armistice signé, les autorités françaises et britanniques organisèrent leur rapatriement, mais on estime que 2.000 à 10.000 seraient restés sur le sol français. Les moyens de communication et l’instabilité politique de la Chine sont tels qu’il faudra attendre une trentaine d’années avant que des familles se fassent connaître. Depuis, chaque année, début avril, une centaine de représentants de la communauté chinoise vient de toute la France pour y célébrer la fête de Qinming, fête des morts qui annonce l’arrivée du printemps.

S’ils ne sont pas morts au combat, ils ont participé à l’effort de guerre et à la reconquête du territoire français.

Références : « La baie de Somme » de David Delannoy, panneau explicatif entrée cimetière.