Terrifiant engin de mort, le lance-flammes apparaît sur un champ de bataille pendant la Grande Guerre. En juin 1915, l’armée française confie sa première utilisation sur le front à une compagnie composée de sapeurs-pompiers de Paris. Mais l’opération tourne au fiasco.

Lorsque le conflit éclate, l’armée allemande possède en matière de lance-flammes plusieurs longueurs d’avance sur son homologue française : depuis trois ans déjà existe en son sein un régiment spécialisé de douze compagnies équipées de Flammenwerferapparate. Alors, en mars 1915, après une série d’essais, le haut-commandement hexagonal choisit de donner corps aux travaux du capitaine ingénieur Victor Schilt en ordonnant la fabrication de cinquante appareils imaginés par ce dernier (lire ci-contre). Dès le mois d’avril, les deux premières compagnies « lance-flammes » – les 22/5 et 22/6 – sont constituées, avec des hommes issus du régiment des sapeurs-pompiers de Paris, et rattachées au premier régiment du Génie. Cinq autres seront créées dans les mois qui suivront.

Dès la fin mai, la compagnie 22/6 reçoit pour mission de monter au front à la butte de Vauquois, en Argonne, théâtre de luttes acharnées depuis déjà plusieurs mois. L’objectif fixé est d’appuyer l’attaque du 3e bataillon du 31e régiment d’infanterie, prévue le 6 juin 1915 en soirée. Après avoir réussi à atteindre le sommet de la butte avec son encombrant matériel, la compagnie 22/6 attend le signal pour passer à l’action. Et dans un premier temps, l’offensive semble être une réussite, les tranchées ennemies se trouvant recouvertes par les flammes. Mais celles-ci, atteignant très probablement un dépôt de munitions allemand, provoquent une énorme explosion dont le souffle rabat le feu sur les lignes françaises. Dans la panique, celles-ci amorcent alors un mouvement de repli désordonné qui ne fait qu’aggraver la situation : les porte-lances ne peuvent plus maîtriser les engins qui distribuent leurs flammes au hasard…

Une fois les incendies maîtrisés, le bilan, terrible, est dressé : une vingtaine de morts ou disparus et une centaine de blessés pour les 31e et 76e régiments d’infanterie. Quant à la compagnie « Schilt », elle déplore parmi ses soldats du feu cinq morts et dix blessés, victimes de leur propre arme. Comme si la guerre avait eu besoin du lance-flammes pour ressembler encore un peu plus à l’enfer.

Le lance-flammes Schilt

L’appareil Schilt était un réservoir cylindrique en tôle de 1,25 mètre de haut, 45 centimètres de diamètre, pouvant contenir environ neuf litres d’un liquide composé d’huile et d’essence. Chaque appareil était utilisé par un poste de feu composé de quatre hommes : un chef de poste, un porte-lance, un mécanicien chargé de la manoeuvre des appareils et un grenadier. Ce dernier lançait d’abord les grenades sur le terrain visé, que le porte-lance arrosait ensuite de liquide incendiaire. Naissaient alors des flammes pouvant atteindre six à huit mètres…

Manœuvre d’appareils fixes Schilt n°1 – 1915 © Collection Jérémie Raussin

XAVIER GILLET

Image de Une de l’article : L’assaut des lance-flammes Bas-relief d’Armand Martial, sculpteur -1946 / Monuments aux morts des sapeurs-pompiers de Paris – Etat-major Champerret, Paris ©Musée de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris / Emmanuel Ranvoisy