Ecrit par Michel DELMOTTE

Né en 1859, fils d’un militaire du 3éme régiment du Génie alors stationné à Metz, il quitte avec ses parents, sa Lorraine natale en 1871, alors que cette province et l’Alsace sont annexées par le vainqueur du conflit de 1870. Quittant Metz, la famille ADRIAN rejoindra Lille, Saint Omer, Bourges puis Tours, ville où le jeune Louis sera  lycéen.

Louis ADRIAN est un brillant élève, il sera lauréat au Concours Général en 1878. S’offre à lui le choix d’études dans une Grande École, il intègre l’Ecole Polytechnique, à la sortie de cette institution emblématique de la Nation, il choisit le métier des armes et en particulier le génie et l’artillerie. Sa formation à l’Ecole d’Application de l’artillerie et du génie      de Fontainebleau achevée, en 1882, il rejoint Arras et le 3éme Régiment  du Génie  avec le grade de  lieutenant. En 1885, il est promu capitaine  est affecté à Cherbourg. Pour lui, commence alors une carrière où il mettra en œuvre ses compétences en matière de construction et de réalisation de systèmes de défense. Il effectuera des travaux pour Saint Malo. Il effectue un stage en télégraphie et aérostation à Chalais-Meudon. Il y exécute des applications industrielles d’électricité et de télégraphie. Il est noté à cette période « comme un officier actif, intelligent, zélé et d’un caractère résolu aimant beaucoup son métier ».

L’Etablissement central de l’aérostation militaire de Chalais-Meudon créé dans les années 1877, est le premier centre de recherches aéronautiques du monde à cette époque.

En 1895, il  fait partie du deuxième corps expéditionnaire dans le conflit franco-malgache. Il aura pour mission l’élaboration de missions logistiques et d’établir les voies de communications et les cantonnements. Il y rencontrera le colonel JOFFRE chargé de la fortification de Diégo Suarez.

Ce conflit verra beaucoup de militaires frappés de malaria et les contingents manquent de quinine, les corps sont durement éprouvés.

Le climat malgache mettra un terme à l’intervention de Louis ADRIAN sur cette île, une perforation du tympan, et l’épuisement   entraineront un rapatriement en France et une convalescence. Cette mission lui vaudra la Légion d’Honneur et la médaille commémorative de Madagascar.

 Une nouvelle voie prometteuse !

Louis ADRIAN envisage de changer d’affectation et vise l’intendance, il prend cette option en 1898.

Il proposera alors  une étude très remarquée sur l’alimentation de l’armée en temps de guerre. Il propose des produits de remplacement et de substitution. Il sera chargé de la surveillance de la fourniture des viandes à l’armée, ses travaux et contrôles efficaces lui vaudront la reconnaissance de ses supérieurs, en 1908, il accédera au grade de « sous-intendant de 1ère classe » (colonel).

Malheureusement en 1910, les ennuis de santé, dont la source et l’incidence du séjour à Madagascar le frappe. Sa mise en non-activité est acceptée et il  se retire dans sa maison de Genets près de Granville.

Le 2 août 1914, il est mobilisé dans l’intendance, il deviendra adjoint au directeur de l’intendance. A Lille il sauve 2000 tonnes de laine de la réquisition par les allemands. Son instinct technique et inventif le » porte à trouver des solutions aux  problèmes de chaque instant du conflit, ainsi :

  • L’emploi d’algues dans la nourriture des chevaux afin de remplacer l’avoine,
  • La réalisation d’un siège-tourelle blindée pour aviateur.

Les fonctions et missions qui lui sont confiées sur le terrain, vont le conduire à trouver maintes solutions.

L’esprit inventif et ingénieux sera au service des militaires du front.

En trois mots : ravitaillement, habillement, cantonnement seront les maîtres domaines d’action de Louis ADRIAN.

A l’aube de l’automne 1914, il est évident que le conflit va s’éterniser. Adrian envisage que les hommes vont devoir affronter la rudesse de l’hiver. Il fait adopter et fabriquer des vestes en peau de mouton afin de protéger du froid les militaires dans les tranchées. Les poilus  donneront à cet équipement le surnom de « peau de bique ».

Les soldats dont la tête n’est protégée que par le képi se verront dotés d’une cervelière en  tôle emboutie qui est normalement cousue dans le képi, mais qui ne protège que des petits éclats d’obus et non des balles. Cette protection est difficile à placer sous le képi, plutôt inconfortable. La « cloche »  comme l’appelle les poilus est portée directement sur le crâne ou au-dessus du képi, d’autres s’en servent comme gamelle, ou un tout autre usage. Un usage au gré de chacun, mais d’une efficacité relative !

Toujours à la recherche de matériels de protection, il propose des lunettes pare-éclats, des cuirasses ventrales, des épaulettes en lames d’acier. Certaines de ces inventions ne seront peu utilisées, car inopérantes ou très gênantes lors des marches et des tirs.


©Musée de Villeroy (Seine et Marne)

De son expérience à Madagascar et au Vénézuela, Louis Adrian proposera la mise en œuvre de constructions en bois, préfabriquées, démontables et installables rapidement qui porteront le nom de « baraques Adrian ». Ces abris trouveront toutes les utilités : logement de la troupe, infirmerie, stockage, écuries …


Baraques Adrian (Wikipédia)

Ce bâtiment livré en kit se monte par six à huit hommes sans qualification technique particulière. Il en sera construit 40 000, certaines seront utilisées bien après la guerre.

Mais la novation qui fera connaître Louis Adrian et l’invention du casque du poilu.

Le casque Adrian

L’idée de doter les soldats d’un casque n’est pas de Louis Adrian mais du général JOFFRE qui souhaitait donner aux militaires un couvre-chef solide. Après plusieurs propositions et essais on se tournera vers une solution proposée par Louis Adrian et Louis KHUN. Louis KHUN est chef d’atelier des usines Japy à Beaucourt près de Belfort. Cette entreprise est choisie car elle fournit depuis 1806 du matériel pour les armées. Le concept du casque établi par Louis ADRIAN est de pouvoir le  fabriquer rapidement un casque solide et léger.  L’usine Japy a du matériel  et la technique afin de former l’acier. Compte tenu de l’ampleur du besoin d’autres entreprises seront également chargées de la fabrication de cet équipement.

Atelier de production à Beaucourt aux usines JAPY. Photo du musée Japy de Beaucourt

Le casque Adrian modèle 1915, voit le jour en juin 1915. En  juillet 1915, il est livré 30 000 casques et en une année 7 millions de casque seront fournis. Le succès de cet équipement  entrainera  les commandes de la Belgique, la Russie, La Serbie puis l’Italie et la Roumanie.

Le casque Adrian est  d’abord peint en bleu brillant, mais  afin d’être moins visible, les casques ultérieurs seront peint en couleur bleue mate, puis également en  gris  fer.


© Musée de la grande Guerre du Pays de Meaux

Ce casque qui verra plusieurs versions et modèles sera utilisé jusque dans les années 1950.

Une fin  de carrière mouvementée.

Promu Intendant général, il prend l’inspection générale des cantonnements, s’occupe des évacués, rapatriés et réfugiés.

Puis il met au point un système de triangulation qui permet de localiser les « Pariser Kanone » qui pilonnent Paris au début de 1918. Cette action lui vaudra une reconnaissance de la population parisienne.

Plusieurs enquêtes seront menées afin de connaître si les commandes passées pour les fournitures aux troupes étaient régulières. Elles entraineront une suspicion et une disgrâce, qui sera annulée par une contre-enquête de Léon ABRAHMI et un décret du 2 mars 1919. Ces péripéties auront profondément touché Louis ADRIAN.

Il quitte définitivement l’armée en 1920.

En reconnaissance des services rendus il sera nommé « Grand Officier de la Légion d’Honneur ». Souffrant il se retire dans sa propriété de Genêts et  décède à l’hôpital du Val de Grâce en août 1933.

Il repose au cimetière de Genêts dans la Manche une région berceau familial de son épouse.


La tombe au cimetière de Genets (Manche)

Louis Adrian, certes, n’a pas commandé au front, mais son implication, ses recherches, ses inventions ont assuré une meilleure sécurité à de nombreux valeureux soldats. Malgré cela aucune rue française ne rappelle son nom. Et si le casque ne portait pas son nom, il serait un « oublié » de l’histoire.

Sources :

Bibliothèque de l’Ecole Polytechnique,

Un Messin dans la Grande Guerre de Pierre BRASME,

Musée JAPY de Beaucourt (90).

Musée de Villeroy (77)

Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux (77)