Le 16 avril au matin, l’offensive Nivelle démarre tout le long du Chemin des Dames jusqu’aux abords est du plateau dans le secteur de Berry-au-Bac. Le commandant Bossut a la lourde tâche de diriger le premier assaut blindé de l’Histoire de l’armée française. A 6h30, Bossut, en tête de la colonne qui s’étire sur environ deux kilomètres, dirige la marche des chars français. La pluie a laissé place à une véritable tempête de neige. Lorsque les chars quittent la route, encombrée par l’artillerie et les fantassins, ils pénètrent dans un bourbier qui ralentit les engins déjà peu rapides. Vers 8h, la colonne atteint le pont sur la Miette sous le bombardement de l’artillerie allemande dont les tirs sont parfaitement réglés par les ballons d’observation ou des observateurs au sol. Certaines pièces allemandes tirent même en tir direct sur les blindés français. Les équipages français parviennent néanmoins à réduire quelques points de résistance de la première ligne allemande. Mais il faut pas moins de deux heures pour la franchir car en plus de la boue, le sol labouré par l’artillerie oblige les chars à progresser entre les cratères. Le commandant Bossut est à pied pour diriger le franchissement des blindés et donner ses ordres. Le capitaine Pardon qui commande l’A.S. 2 déploie ses chars pour aborder la deuxième position allemande en coordination avec quelques éléments du 151e RI qui sont parvenus au nord-ouest du bois des Vestales.

Carte du secteur d’attaque des blindés français.

Aux abords des tranchées allemandes, Bossut envoie un pigeon pour signaler sa situation : « Sommes arrêtés devant la 2e position allemande par trous d’obus impossibles à franchir. Mes deux adjoints sont blessés. Sommes navrés de ne pas pouvoir avancer plus vite. Faisons notre possible. » Comme sur la Somme en septembre 1916, la préparation d’artillerie n’a pas permis d’anéantir les défenses allemandes dans la profondeur de leur dispositif mais elle a tellement bouleversé le terrain qu’il est quasiment impraticable pour les blindés. A 11h, alors que sept chars de l’A.S. 2 ont enfin réussi a franchir la tranchée de deuxième ligne tandis que quatre autres restent embourbés ou en panne, Bossut remonte dans son char pour poursuivre en direction de la troisième ligne allemande. Le char progresse difficilement, et lentement, entre les cratères d’obus et constitue une cible de choix pour les artilleurs allemands. Il est alors touché par un obus qui le frappe en tir courbe au niveau du toit. Bossut qui se trouve alors à l’arrière au niveau des portes est projeté à l’extérieur par le souffle de l’explosion et tué sur le coup. Son corps sera retrouvé par son frère Pierre et inhumé dans le cimetière de Roubaix, berceau de sa famille.

Char Schneider détruit près de Juvincourt.

SYLVAIN FERREIRA

Je dédie cet article à la mémoire de mon arrière-grand-père Achille Moutenot du 82e RI, tombé devant Juvincourt le 18 avril 1916, à quelques mètres des carcasses des chars de l’A.S. 2.