Après avoir décrit les principaux combats auxquels les chars britanniques ont pris part le 15 septembre, il nous faut analyser la qualité de leurs performances lors de cette journée historique. Nous savons que dès la conception de l’offensive, Swinton et les ingénieurs en charge du développement du Mark I n’étaient pas favorables à l’engagement des chars dans l’offensive britannique. D’une part, les problèmes mécaniques rencontrés lors des tests n’avaient pas encore été réglés et d’autre part, le nombre de chars disponibles (à peine 50) n’était suffisant pour mettre en oeuvre une attaque massive où, selon Swinton, ils pourraient jouer leur rôle pour rompre le front allemand et produire la percée tant espérée.

Un échec stratégique, un succès tactique

Comme nous l’avons vu, la majorité des chars (environ deux sur trois) n’a pas pu participer aux combats car les engins ont été victimes de pannes mécaniques ou se sont embourbés sur le terrain défoncé par l’artillerie avant même d’atteindre leurs lignes de départ. Cela a donc restreint l’impact des groupes de 3 ou 4 chars prévus pour soutenir chaque brigade d’infanterie. Les chars ont dû opérer le plus souvent seuls (à l’exception de l’attaque sur Flers) sans pouvoir se soutenir mutuellement, limitant leurs actions à des secteurs très restreints sur les lignes de défense allemandes. Par ailleurs, l’absence d’entraînement approfondi avec l’infanterie n’a pas toujours permis une coordination optimale avec les fantassins. Cette coordination a également été mise à mal par la planification des barrages d’artillerie qui ont été réglés sur la vitesse de déplacement des chars. Ceux-ci handicapés par le terrain n’ont pas pu suivre le rythme de progression des feux roulants destinés à pulvériser les défenses allemandes. Les fantassins plus rapides que les mastodontes d’acier se sont donc retrouvés sans soutien efficace de l’artillerie et des chars.

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Le char D16 (Female) du Lt Arnold qui participe aux combats pour s’emparer de Flers (crédits Carakatère).

Malgré tout, les chars qui ont pris part aux combats se sont montrés efficaces là où ils étaient attendus en réduisant au silence les mitrailleuses allemandes et en ouvrant des brèches aux fantassins dans les réseaux de barbelés. Cela a permis aux Tommies d’avancer sur presque toute la ligne de front (sauf dans le secteur de la Guards Division du XIV Corps) en limitant les pertes humaines. Leur apparition a également provoqué une panique relative dans les rangs allemands et les chars ont ainsi provoqué la reddition de plusieurs centaines de soldats allemands. Néanmoins, trop d’engins ont ensuite été endommagés voire détruits par l’artillerie allemande (tirs directs ou indirects) ou sont abandonnés en raison de pannes mécaniques. Les gains sont donc importants d’un point de vue tactique (les plus importants pour les Britanniques depuis le 1er juillet) mais nuls d’un point de vue stratégique. Les divisions de cavalerie britannique mis en réserve par Haig pour exploiter la percée créée les chars resteront en retrait et les Allemands sauront se ressaisir sur leurs troisième ligne de défense.

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Le char D24 (Male) du Lt Stones engagé pour soutenir la 15th Division à Martinpuich (crédits Carakatère).

Perspectives

Les chars encore en état de marche continueront d’être employés avec plus ou moins de succès en petits paquets ou individuellement pour soutenir telle ou telle action locale tout au long de l’automne sur le front de la Somme (nous y reviendrons dans nos prochains articles). Pendant ce temps, Swinton comme le GHQ (General Headquarters) réfléchissent à l’avenir de cette nouvelle arme. Les succès tactiques sur la Somme et le soutien inconditionnel de Churchill parviennent à convaincre les sceptiques que les chars peuvent jouer un rôle déterminant, pour peu qu’ils soient employés en nombre et qu’ils soient améliorés d’un point de vue mécanique pour limiter les pannes. Le gouvernement britannique confirmera alors la commande de plusieurs centaines d’exemplaires qui ne seront pas employés massivement avant l’offensive limitée sur Cambrai en novembre 1917.

SYLVAIN FERREIRA